Dîner avec ¿Me vas a gritar? (Tu vas me hurler dessus ?)
Entretien avec Laura Herrero Garvin, réalisatrice de ¿Me vas a gritar? (Tu vas me hurler dessus ?)
Pourquoi avoir mis en scène des catcheuses ?
Avec ma coscénariste, Majo Siscar, nous avions envie de parler de la pression sociale qui pèse sur les femmes. Nous sommes toutes les deux espagnoles, et nous vivions au Mexique depuis environ 8 ans. Là-bas, nous avons rencontré plusieurs situations de machisme mais aussi fait l’expérience de la force et la résistance féminines. Dans la « lucha libre », le public a beaucoup d’influence dans l’action, c’est le troisième concurrent, il met la pression aux catcheurs avec ses cris et ses petites phrases. Les catcheurs mexicains se concentrent sur l’adversaire et sur ce que crie le public. Nous voulions montrer des catcheuses pour faire un parallèle entre la pression sociale exercée sur les femmes et celle exercée par le public sur les catcheuses de lucha libre. Et ce fut un plaisir de travailler avec Melissa car dès qu’elle monte sur le ring, elle se transforme complètement.
Dans quelle mesure vouliez-vous dénoncer la violence envers les femmes ? Avez-vous d’autres projets sur ce thème ?
La plupart de mes documentaires parlent de la violence faite aux femmes, de l’identité, de la résistance, de la solidarité… J’essaie toujours d’être proche de mes personnages, mais sans présenter les femmes comme des victimes. Je suis en train de terminer mon nouveau long métrage, La Mami, un documentaire situé à Mexico, dans le célèbre cabaret Barba Azul (Barbe-Bleue), où les femmes de la nuit se retrouvent et partagent leurs émotions. Et chaque jour, la Mami, la gardienne des toilettes des femmes, leur apporte conseils et réconfort dans leur combat contre la cruauté de leur environnement machiste. C’est un documentaire qui rappelle que la solidarité est un élément primordial pour affronter l’adversité, et bien entendu, il est réalisé entièrement du point de vue des femmes.
Aimez-vous le sport féminin en général ?
Je ne regarde pas du tout le sport, mais dans la vie de Melissa, le personnage principal de ¿Me vas a gritar?,le sport est ce qui compte plus que tout.
¿Me vas a gritar? est-il un projet autonome ou pourrait-il faire un film plus long ?
Non, je l’ai toujours envisagé comme un court métrage.
Comment avez-vous travaillé avec l’actrice pour faire monter ce sentiment de colère ?
En tant que documentariste travaillant avec de vrais personnages, je pense qu’il faut passer du temps ensemble, parler, se taire, jouer, être avec ses personnages. C’est ainsi que les sujets importants se construisent. Dans ce cas précis, la colère fait partie de la vie de Melissa, car elle tente de trouver sa voie entre ce que ses parents attendent d’elle et sa propre réalité.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
Je pense que oui, car les longs métrages prennent du temps, alors qu’un court métrage peut être très compact. Ce qui rend la démarche plus intense et plus libre. Dans ma carrière, j’ai fait des courts métrages en 48 heures, 72 heures avec le montage, j’adore faire ça. Le film est plus une réaction qu’une réflexion, mais l’intensité reste présente durant tout le processus.
Pour voir ¿Me vas a gritar? (Tu vas me hurler dessus ?) a été projeté en compétition internationale.