Lunch avec Roberto le canari
Entretien avec Nathalie Saugeon, réalisatrice de Roberto le canari
Pouvez-vous nous raconter la genèse de Roberto le canari ?
Le jour où mon fils a perdu son canari, il était effondré. J’ai senti un fossé entre son désarroi – celui d’un vrai deuil, son premier – et mon pragmatisme : que faire de cet oiseau, faut-il l’enterrer ? C’était à la fois drôle et bouleversant et ça m’a questionnée sur ma propre perception de la mort. Dans ce film de 20 minutes, et avec ce même point de départ, j’ai eu envie d’explorer les différents deuils qui pouvaient cohabiter au sein d’une famille.
Beaucoup d’éléments du film sont suggérés. C’était important de laisser au spectateur une part non explicite, à deviner ?
J’aime la sensation de non-dit au cinéma, pouvoir lire entre les lignes et ne pas toujours y déceler la même chose que mon voisin… Et c’est, en effet, ce que j’ai voulu faire dans ce film.
Comment qualifieriez-vous l’approche de la mort de ce couple ? Malgré l’épreuve, une forme de sérénité et de force émane d’eux.
La thématique de la mort m’a toujours fascinée, non pas dans son côté glauque mais dans son contrepoint. Qui dit mort, dit vie. Je ne pouvais pas évoquer la mort sans instinct de vie, quelque chose de solaire aussi. Mais ce que je n’ai mesuré qu’en achevant le scénario, c’est que ce film serait avant tout une histoire d’amour. Or jusqu’à présent, je ne me sentais pas vraiment disposée à les écrire, préférant les vivre et me persuadant que je les aborderai plus tard. Nous y voilà donc.
Comment avez-vous abordé le sujet du film avec le jeune interprète de Max, le fils du couple ?
Keanu – qui incarne le petit Max – n’a que 7 ans. J’ai préféré rester sur sa problématique à lui : “c’est l’histoire d’un petit garçon qui a perdu son canari“. Les parents de Keanu, qui ont été de vrais alliés sur ce projet, avaient lu le scénario ; je les ai laissé libres de lui raconter la totalité de l’histoire. Mais il ne m’a pas semblé utile d’aller aussi loin, je voulais raconter à l’acteur ce que le personnage savait, pas plus. Pareil pour le texte ; moins il en savait, mieux c’était pour garder sa spontanéité. Et vu qu’il avait une mémoire phénoménale… Toutefois, Keanu étant un enfant vif et curieux, il en est vite arrivé à poser des questions d’adulte. J’y répondais très simplement, partant du principe que dès lors qu’un enfant pose une question, c’est qu’il est capable d’en entendre la réponse.
Y a-t-il des libertés que le format court-métrage vous a apportées en particulier ?
En écrivant Roberto le canari, j’avais déjà un projet de long métrage (L’été avant demain, actuellement en financement). Je me suis alors fixé un cahier des charges de ce que je voulais mettre en scène dans le court, bien que l’histoire et les personnages n’aient absolument rien à voir. J’avais envie de travailler sur le rapport adulte/enfant, sur une forme de solitude entourée, beaucoup sur la sensualité aussi. Le “monologue“ du personnage d’Elsa en faisait partie, avec le souhait qu’aucun artifice n’apparaisse ; tout devait reposer sur l’actrice que j’avais choisie : Elodie Bouchez. J’aime sa façon de s’approprier le texte, de moduler sa rythmique, de se jeter dedans avec une spontanéité instinctive… Évoquer ces trois formes de deuil en 20 minutes était aussi une gageure. Cela ressemble à une contrainte, ça a été pour moi une liberté.
Roberto le canari a été projeté en compétition nationale.