Dîner avec Guaxuma
Entretien avec Nara Normande, réalisatrice de Guaxuma
Le sable fait référence à votre enfance sur la plage, mais on imagine que c’est aussi un moyen d’évoquer bien d’autres choses. Quels effets, quelles impressions vouliez-vous provoquer chez le spectateur à travers cette technique ?
Le sable est une matière très malléable, qui peut prendre beaucoup de formes, qui se modifie et se transforme avec le temps, un peu comme nos rêves et nos souvenirs. Travailler avec le sable à Guaxuma me permettait d’avoir des images très différentes dans le film mais avec la liaison de la matière entre elles. C’est une métaphore du temps qui s’applique bien au film.
Votre court métrage évoque une expérience très personnelle, mais il suscite une forte identification de la part du spectateur. Comment expliquez-vous cela ?
Je pense que parler des sujets universels, comme l’enfance, l’amitié, la mort, avec un rapport très personnel comme c’est le cas dans Guaxuma, permet aux spectateurs d’avoir une complicité avec mon histoire et de la transférer à leurs propres souvenirs et expériences. Sur Guaxuma, je n’ai eu pas peur d’exposer ma vie et j’ai choisi d’y mettre ma propre voix, je pense que cela rend le film encore plus sincère.
Vous utilisez différentes techniques d’animation dans Guaxuma. Est-ce que vous vouliez, en superposant ces différentes matières, rendre le film plus abstrait, brouiller la temporalité ?
Je voulais travailler avec différentes techniques pour essayer de provoquer chez les spectateurs les sensations qui j’ai eues avec mes souvenirs et rêves de Guaxuma. Il y a des moments où les souvenirs sont assez clairs, comme dans la séquence de la neige où je me rappelle des flocons qui tombaient des feuilles. Pour cette séquence, on a travaillé avec une sorte de sable très fin et le dessin est bien détaillé. D’autres fois, elles ils sont plus abstraits, comme la séquence de sable coloré en fond noir qui précède la mort de Tayra, où je voulais évoquer les sentiments qui j’avais quand je me rappelais de son l’accident.
Techniquement, comment s’est passée la coproduction entre la France et le Brésil ? Était-ce un atout de travailler entre ces deux pays ou une source de complications ?
La coproduction a très bien marché, j’ai pu travailler avec des professionnels incroyables des deux pays, des gens qui j’admire et en qui j’ai confiance. Les décalages horaires étaient un peu compliqués parce que je devais faire une double journée de travail. La période la plus intense, c’était quand j’ai passé un mois au Brésil pour tourner les séquences en marionnettes sur la plage, pendant que les animatrices était au studio à Paris et il y avait encore Normand Roger qui faisait le bruitage au Canada. Il fallait jongler pour parvenir communiquer avec toute l’équipe !
Plus généralement pensez-vous que l’art peut aider l’artiste ou le spectateur à supporter l’absence, à aider dans le processus de deuil ?
Oui certainement, l’art peut aider à supporter l’absence et c’était comme ça dans Guaxuma, faire le film m’a aidée dans le processus de deuil. Je n’ai pas fait le film entièrement pour cette raison car j’avais déjà envie de parler de mon enfance sur la plage à Guaxuma, mais après la mort de Tayra, l’idée de faire le film m’est revenue d’un coup et j’ai écrit la première version du scénario en 2011, un an après sa mort. Aujourd’hui, après tout le processus du film, c’est sûrement plus facile pour moi de parler de son absence.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Pour moi, faire un film c’est une façon de rechercher, d’avoir le temps d’expérimenter. Je n’avais jamais travaillé avec du sable avant Guaxumaet le défi d’apprendre de nouvelles techniques pour raconter une histoire m’a beaucoup motivée. Je n’ai fait que des court métrages mais j’espère continuer avec toute la liberté que j’ai connue dans mes longs métrages. Dans le court, il y a moins de pression extérieure, moins de gens autour et le budget est plus petit, c’est donc naturellement plus simple d’être libre. Mais si je perds cette liberté en faisant les longs, à quoi bon changer de format ?
Guaxuma a été projeté en compétition nationale.