Dernier verre avec Adíos, Adíos, Adíos
Entretien avec Ricardo Castro, réalisateur de Adíos, Adíos, Adíos (Adieu, adieu, adieu)
Adíos, Adíos, Adíos évoque la famille, les souvenirs et le deuil. Pensez-vous que l’art puisse aider l’artiste ou le spectateur à affronter l’absence, l’aider à faire son deuil ?
En ce qui me concerne, le fait de faire ce film a changé ma vie. J’étais dans le déni après la mort de ma mère, et pour avoir écrit, réalisé, monté et composé la musique de ce documentaire tout seul, j’ai passé en tout une année entière à regarder chaque photo, chaque vidéo de nous deux, à lire des lettres, à réfléchir, à méditer et à vivre enfin le processus cathartique du deuil. Cela a été ma thérapie à moi, et ça m’a permis de me reconnecter avec toutes ces émotions enfouies en moi depuis quatre ans et que j’avais si peur d’affronter. De plus, cela a marché pour le reste de ma famille. Nous avions été séparés depuis la mort de ma mère, et ce film leur a permis de faire la paix entre eux et de se revoir, de ne pas perdre l’amour et l’unité qui les liait. Ils ont décidé d’honorer sa mort par un hommage à la vie. Donc oui, je pense que l’art peut nous aider, surtout quand il vient du fond du cœur, car tout le monde s’y retrouve immédiatement.
Que voudriez-vous que le public en retire ?
Adíos, Adíos, Adíos est une lettre d’amour à ma mère. Le film est un hommage à la vie et aborde le deuil d’une façon inhabituelle. Lorsqu’on l’a montré en avant-première, une chose incroyable est arrivée : les gens se sentent tellement concernés par ces sujets qu’ils ont vite le besoin de parler de leur propre deuil ou de leur famille. Le film est très personnel et intime, et c’est justement parce que je me mets à nu que les gens se sentent prêts à faire de même avec leur histoire. J’ai donc vu des gens se lever après des projections pour parler de leur deuil devant tout le monde, d’autres qui m’ont écrit plus tard, ou qui sont venus me voir en fin de séance pour me raconter leur histoire. Et comme je ne suis pas psy (rires), je me contente de les écouter et de les remercier. En tout cas, si le film peut susciter ces émotions chez les gens, et leur donner le courage de parler de leurs propres deuils, je n’en demande pas plus.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours de réalisateur et de vos ambitions pour l’avenir ?
Je suis en train d’écrire deux longs métrages, financés par des studios mexicains vraiment super. Je prépare également deux séries qui seront réalisées en 2021, donc j’y travaille à fond en ce moment.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
Je ne dirais pas liberté… Je dirais que le format court m’a appris à renoncer à certaines prises. Rien de tel pour apprendre à couper des scènes qu’on adore pour permettre au film de fonctionner… Et à ne pas se laisser guider par des choix personnels. Car pour un réalisateur, un film est comme une partie du corps. Il est déjà difficile de se séparer d’une partie de son corps, mais quand il s’agit d’une autobiographie, c’est bien pire. Chaque souvenir, chaque histoire, chaque émotion que l’on supprime dans un film personnel, c’est comme si on coupait un bras, une jambe, ou un organe. Je pense que pour un réalisateur, apprendre à se mettre au service du film est ce qu’il y a de plus difficile. Et tenter de caser 26 années de ma vie en 30 minutes a été pour moi un excellent exercice de cinéma.
Quelles sont vos références cinématographiques ?
Pour ce film, j’ai été inspiré par l’extraordinaire court métrage documentaire Ilha das Flores (L’Île aux fleurs) de Jorge Furtado, par le travail et l’esthétique de Martin De Thurah, par Sherman’s March de Ross McElwee, par Wes Anderson ainsi qu’un de mes documentaires mexicains préférés, Los Ojos del Mar de José Álvarez.
Pour voir Adíos, Adíos, Adíos, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I13.