Goûter avec L’heure de l’ours
Entretien avec Agnès Patron, réalisatrice de L’heure de l’ours
L’heure de l’ours est un beau court d’animation sur l’enfance, à la narration fluide, construit autour de la figure de l’ours. De quoi est-il la métaphore ?
L’image de l’ours est ambivalente : il est aussi puissant et protecteur qu’il peut être sauvage et violent. À l’origine, j’avais fait des dessins au crayon représentant un enfant accompagné d’un ours. Puis est venue l’image de la mère. Et enfin celle du cowboy et des maisons en feu. L’ours dégageait à la fois cette puissance et cette douceur qui font défaut à l’enfant dans le film. Ce dernier n’a pas les armes pour se défendre contre la violence qui lui est infligée par les adultes, il doit couper les liens avec sa mère et se rebeller contre l’homme qui la lui a volée : l’ours devient un refuge, un rempart, mais aussi une formidable force d’opposition.
Le film constitue une plongée dans le monde intérieur d’un enfant, mais loin de sa vision idéalisée : les sentiments sont violents, sauvages. C’était important pour vous de donner une vision différente de l’enfance ?
Mon petit garçon est né il y a cinq ans, au moment où le projet prenait forme et où nous commencions à écrire le scénario avec Johanna Krawczyk. L’histoire a grandi avec lui, s’est nourrie de ses colères, qui résonnaient étrangement avec les miennes. Je n’ai pour ma part jamais totalement quitté le territoire de l’enfance, fascinant, cruel, et moins idéal que ce que l’on essaie trop souvent de nous faire croire. Donc oui, c’était important pour moi de me mettre à hauteur d’enfant et d’essayer de faire ressentir au mieux le tourbillon d’émotions contradictoires qui habitent le petit protagoniste du film.
Quelles sont vos œuvres de référence ?
J’aime beaucoup de choses différentes, dans la littérature, la peinture, le cinéma. Pour ce film, je n’avais pas forcément d’images précises en tête mais j’ai essayé de m’inspirer de l’art inuit pour la figure de l’ours, que je voulais plus massif qu’un ours brun réaliste. J’ai aussi regardé pas mal de films parlant de l’enfance : j’avais été très marquée par le documentaire Récréations de Claire Simon au moment où je l’ai découvert. Pour l’animation et le montage j’aime beaucoup re-regarder les films d’Igor Kovalyov ou Atsushi Wada.
Quelques mots sur la technique d’animation utilisée ?
Dans un premier temps nous avons animé image par image les mouvements des personnages ou des éléments de décor sur des logiciels d’animation classiques (TV Paint et Flash) puis nous avons vidéo-projeté ces animations sur du papier noir pour les peindre avec de l’aquarelle. En dernier lieu, nous avons pris chacune de ces images peintes en photo sur un banc-titre. Ce tournage s’est déroulé en région Centre (à Ciclic) et en région PACA.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées ?
Beaucoup. D’abord, c’est un format particulièrement adapté à l’animation. Et puis j’ai l’impression qu’il y a plus d’espace pour l’expérimentation dans le court métrage du fait que la pression financière est moins importante que dans la série ou le long métrage. J’ai aussi eu la chance d’être entourée de personnes qui m’ont fait confiance (l’équipe de Sacrebleu et Arte notamment) et n’ont pas remis mes choix de réalisation en question même lorsque je déviais de la ligne annoncée dans les dossiers.
Pour voir L’heure de l’ours, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F1.