Dîner avec L’appartement
Entretien avec Raphaël Frydman, réalisateur de L’appartement
L’appartement est un documentaire sur les vestiges de l’enfance, dans lequel le réalisateur semble à l’affut de traces d’un passé révolu. Que pouvez-vous nous dire sa genèse ?
Les souvenirs de l’enfance sont très présents dans ma vie, comme je crois pour beaucoup de monde. Les réminiscences visuelles de l’appartement dans lequel j’ai grandi m’accompagne souvent. J’ai toujours souhaité revenir un jour dans la résidence dans laquelle j’ai grandi, sans oser pousser la porte, sans oser emprunter la rue… J’habite pourtant la même ville, mais l’enjeux est autre que géographique. Le film rendait ce retour possible, et suffisait me semble-t-il à donner matière à faire un film. La genèse est à la fois simple et complexe : simple car il suffit de partir avec ma caméra pour rendre cette expérience possible, complexe car bizarrement il n’est pas facile de se dire que cela mérite qu’on s’y attarde. J’ai décidé de travailler dans cette logique de recherche et de prise de risque. Mon statut de réalisateur-producteur et mon travail commercial le rend possible (et y trouve sa raison). Je pars en tournage, sans savoir obligatoirement si cela donnera un film, de façon instinctive, dans une écriture qui se concrétise – ou non – au cours du processus de fabrication
Aviez-vous le désir de rendre visuel, presque palpable, le sentiment de mélancolie, d’en faire un objet cinématographique ?
Oui absolument. C’est, je crois, tout à fait le but de ma démarche.
Quelles sont vos œuvres de référence ?
Ce sont surtout des références à des photographes qui m’ont accompagné : l’exposition Smaller Pictures de Jeff Wall pour ses cadrages de nature morte, et plus globalement le travail de Rinko Kawachi pour la poésie qui émane de moments quotidiens qu’elle photographie avec tant de délicatesse. Ensuite, j’ai pensé à Sophie Calle ou à Agnès Varda.
Vous avez réalisé des courts et longs métrages. Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées ?
Mon premier long métrage, Adieu Babylone, était très libre. Ensuite, ça été plus compliqué… Au vu des projets que je n’ai pas réussi à faire aboutir, ou des nombreuses contraintes que je n’ai pas toujours su accompagner dans le long métrage, le court métrage apparaît aujourd’hui pour moi comme une vraie fenêtre de liberté, un espace pour retrouver et faire vivre une écriture que je n’ai pas su développer ailleurs.
Une fois le film terminé, avez-vous finalement pris conscience de ce que vous recherchiez, en réalisant L’appartement ?
Je ne crois pas que je puisse parler d’une prise de conscience après réalisation : le résultat me semble assez cohérent avec ce que je souhaitais instinctivement. Ce que je constate c’est que d’un point de vue personnel, j’éprouve un sentiment de sérénité vis-à-vis de certaines images du passé que je suis venu visiter. D’un point de vue artistique, j’ai le sentiment d’être en adéquation avec le travail que j’ai réalisé (ce qui est loin d’avoir toujours été le cas). La sélection au festival de Clermont Ferrand est venue crédibiliser une écriture intimiste et valider cette démarche fragile. Elle a, à ce titre, une très grande valeur pour moi, et pour mon travail à venir.
Pour voir L’appartement, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F12.