Lunch avec Madame Baurès
Entretien avec Mehdi Benallal, réalisateur de Madame Baurès
Pourquoi vouliez-vous faire un film au sujet de Madame Baurès ?
J’ai plutôt voulu faire un film avec elle, mais ça n’a pas été possible. De cette impossibilité est venu ce film.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans la situation isolée de cette personne au moment de ses derniers jours ?
Je ne me doutais pas que j’accompagnais ses derniers jours. J’ai d’abord voulu qu’elle me raconte son long passé de militante communiste (elle avait adhéré au parti au lendemain de la Seconde Guerre mondiale), mais bientôt je me suis intéressé à tout ce qu’elle me rapportait. Elle se souvenait particulièrement bien de sa petite enfance, dans les années 20 et 30, dans les premiers « logements sociaux ». Elle m’a aussi décrit son travail d’ouvrière dans les usines, mais de façon plus fragmentaire. On préparait ensemble un documentaire où elle raconterait sa vie.
Comment avez-vous travaillé le rapport entre prises de vues et témoignage oral ? Par quoi avez-vous commencé ?
Je n’avais qu’une piste, celle du chemin que je prenais pour aller la voir. J’ai arpenté longtemps ce chemin qu’on voit dans le film, en cherchant la manière d’évoquer notre rencontre. L’écriture du texte et la prise de vue sont venues ensemble. Une fois le tournage terminé, j’ai travaillé à faire la synthèse de tout ça.
À un moment, vous êtes alpagué de manière agressive quant au fait que vous filmiez la façade d’un immeuble, pour quelle raison ?
Nous filmions une statue qui se trouvait au cœur d’une propriété ouverte sur la rue. Je ne comprends pas bien en quoi ça gênait les gens qui habitaient là.
Envisagez-vous de faire d’autres films autour d’un(e) autre, de votre rencontre à cet(te) autre et de votre perception de cette personne ?
Pas en ce moment.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Je ne me suis pas posé la question du format, même si je me doutais que le film serait court. Ce qui m’a surtout laissé libre, c’est de tourner avec une toute petite équipe, et d’avoir « mon » matériel (en fait la caméra de mes producteurs, Triptyque Films). J’ai aussi eu du temps pour élaborer la forme de mon film. Mais la contrainte peut être bénéfique, comme la liberté est parfois inutile ou dangereuse. Tout dépend de ce qu’on fait de cette liberté.
Quelles sont vos œuvres de référence ?
J’aime beaucoup de films très différents, mais je les oublie tous quand je fais un film, je me concentre alors sur la forme et sur mon sujet. Après coup, on voit des rapports, ou bien des amis vous les révèlent. Pour Madame Baurès, on m’a fait remarquer que mon panoramique de la fin est très proche d’un panoramique qui va du clavier vers le visage de Gustav Leonhardt, dans Chronique d’Anna Magdalena Bach de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet. C’est un film que j’ai vu et revu, qui m’a certainement marqué en profondeur.
Pour voir Madame Baurès, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F6.