Breakfast avec All the Fires the Fire (Tous les feux le feu)
Entretien avec Efthimis Kosemund Sanidis, réalisateur de All the Fires the Fire (Tous les feux le feu)
All the Fires the Fire est un film sur la virilité et la fraternité. Qu’est-ce qui vous intéressait dans cette relation entre les personnages ?
L’histoire est librement inspirée de celle de Caïn et Abel, le grand frère qui tue son cadet par jalousie à cause des actes du père. Il s’agit d’un amour trahi entre un père et son fils. Je m’intéresse particulièrement à cette filiation masculine que je tente de montrer ici, et à laquelle il est fait allusion dans la citation qui ouvre le film. Bien sûr, ni moi ni personne ne peut savoir, mais instinctivement, j’ai le sentiment qu’un péché originel a été commis au début de la chaîne. Du moins, c’est l’impression que nous donne notre civilisation patriarcale, qui a plutôt mal tourné vu la situation actuelle. Donc oui, le film dresse le portrait de la fraternité, dans une forme qui peut être très douce et innocente mais également sombrer dans la destruction et la violence irrémédiable.
Le spectateur se demande s’il s’agit d’une fiction ou d’un documentaire. Avez-vous volontairement joué sur cette ambiguïté ?
Je ne fais pas de différence entre le documentaire et la fiction. Pour moi, tout est narration, une façon de digérer le réel, que ce soit par le langage, par le biais de notre corps et notre âme, ou par tout cela réuni : on réinterprète, d’une façon ou d’une autre. Cela dit, un film doit être sincère pour toucher le spectateur. Peut-être même que la sincérité suffit, je ne sais pas. J’aime mélanger les acteurs professionnels et non professionnels, et voir le scénario enrichi et transfiguré durant la phase de préparation. Dans la mesure du possible, il faut éviter que le spectateur se pose des questions sur les dessous de la réalisation. C’est comme un jeu : il y a des règles à suivre.`
Votre premier court métrage, II, a connu une belle carrière dans les festivals. Pouvez-vous nous parler de votre parcours de cinéaste et de vos projets pour l’avenir ?
Le fonctionnement des festivals a toujours été un peu étrange. Certains de mes films ont percé, mais celui qui est le plus cher à mon cœur est passé complètement inaperçu. Maintenant que je travaille sur un format plus long, j’adapte mes ambitions à cette expérience : je reste fidèle à moi-même tout en prenant en compte les tenants et les aboutissants du monde du cinéma. Mais je suis sûr qu’il en a toujours été ainsi : le cinéma est une forme artistique qui demande du temps, de l’énergie et de l’argent, et qui peut vous ronger l’âme. Pour le moment, je garde la tête haute.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées ?
Même chose, je n’aborde pas le cinéma en termes de court et de long métrage, mais en termes de récit qui a besoin de temps pour être raconté. Je n’ai pas encore tourné de film plus long, j’ai seulement un projet en cours d’écriture, mais je suis à peu près sûr que ça ne changera pas grand-chose à mon envie de faire des expériences cinématographiques, d’essayer des choses. Peut-être qu’il y a plus de liberté dans le sens où on reste en général plus proche de l’idée de départ quand on réalise un court métrage. Les exigences du marché, encore une fois.
Quelles sont vos références cinématographiques ?
Je ne suis pas sûr que nos références soient toujours conscientes. Mais j’ai été très marqué par les films de Kiarostami, Dreyer, Bresson, Altman, Boorman, Cassavetes, Les Blank, Cimino, Reygadas, Serra, Petzold, Dresen, Puiu, Ceylan, Rivers, Alonso, Apichatpong, PTA, Dumont, Papatakis, Stefani, Koutsaftis. Il y a beaucoup de films qui me touchent, je dois en oublier plein. Et je continue à découvrir des choses.
Pour voir All the Fires the Fire (Tous les feux le feu), rendez-vous aux séances du programme I5 de la compétition internationale.