Goûter avec Têtard
Entretien avec Jean-Claude Rozec, réalisateur de Têtard
Sur quels supports physiques ou numériques avez-vous peint pour Têtard ?
J’ai conçu l’univers visuel de Têtard sur papier, en peignant à l’aquarelle. Par la suite, j’ai cherché des moyens de retranscrire cette esthétique avec des logiciels d’animation, ce qui m’a pris un peu de temps avant d’être satisfait. J’ai utilisé TV paint pour l’intégralité de l’animation et de la colorisation.
Comment avez-vous travaillé l’ambiance du marais interdit ?
Je ne voulais pas d’un marais lugubre estampillé « film fantastique ». Le ton du film est plus ambigu et invite le spectateur à interpréter la véracité des événements qu’il voit. Il fallait donc que le marais ait l’air réaliste, que ce soit au niveau visuel ou sonore. Il n’y a pas de dramatisation par la musique non plus. Je me suis plutôt inspiré des marais près de chez moi, en Bretagne. Ce sont des endroits très vivants et lumineux.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rejet et la méchanceté du « grand » envers le « petit » ?
La méchanceté fait partie de l’humain, et les enfants n’y échappent pas. Il suffit de les voir jouer ensemble pour constater qu’ils peuvent parfois être très cruels. C’est encore plus prononcé dans une fratrie, ce qui n’exclut pas l’affection.
À quel point êtes-vous intéressé par les relations fraternelles et envisagez-vous de réaliser d’autres films autour de cette thématique ?
Je ne me souviens plus très bien comment l’histoire a émergé, mais la relation entre frère et sœur est devenu rapidement un thème essentiel pour ce film. J’ai moi-même deux sœurs cadettes, ce qui a nourrit l’âme du récit. Il vaut mieux parler de choses que l’on connaît ! Les relations dans une fratrie sont très particulières, on est à la fois complices, rivaux, ennemis, protecteurs mutuels… C’est très ambivalent. Je n’envisage pas spécialement de revenir à cette thématique, j’ai l’impression de l’avoir exploré du mieux que je pouvais avec Têtard. Je travaille sur des projets très différents aujourd’hui.
Pourquoi les parents ont-ils si peu de place ?
Dès que les parents attiraient l’attention, ça me posait problème. Au début, ils étaient beaucoup plus étranges, ils semblaient indifférents aux événements et souriaient tout le temps. Puis au fur et à mesure de l’élaboration du scénario, je les ai normalisés, jusqu’à en faire des clichés, sans aucune particularité. On voit à peine leur visage, le père bricole, la mère fait la toilette du petit Gaspard… Il fallait qu’ils ne soient que des silhouettes banales, car je voulais qu’on soit exclusivement du point de vue des enfants et qu’on s’immerge totalement dans la légende que raconte Lola.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Le format du court métrage vous force à être concis et à éliminer le superflu, c’est une contrainte qui oblige à une certaine efficacité. J’ai pu faire le film que je voulais, sans aucune interférence. Le récit devient de plus en plus onirique au fur et à mesure qu’il progresse mais, à la fin, on ne tranche pas sur la véracité de ce qu’on a vu, on ne dit pas « ça c’est réel » ou bien « c’était un rêve ». La forme courte permet ce genre de liberté.
Quelles sont vos œuvres de référence ?
Je n’ai pas vraiment d’œuvres de référence, je me nourris d’à peu près tout, du moment que ça me touche. Pour Têtard, j’ai étudié les aquarelles de Joseph Turner et son utilisation de la couleur. C’était très important pour moi de créer des images avec des belles couleurs, parce que je trouve les films actuels un peu mornes visuellement. Tout est gris.
Pour voir Têtard, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F2.