Goûter avec La veillée
Entretien avec Riad Bouchoucha, réalisateur de La veillée
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le deuil, pourquoi étiez-vous intéressé par le fait de placer l’action lors d’une veillée funéraire ?
Mon désir de placer l’action lors d’une veillée funéraire part d’une expérience vécue. J’ai, comme le protagoniste, perdu ma mère et j’ai été surpris par les attitudes des proches venus veiller le corps. J’ai ressenti un grand moment de solitude, comme si j’étais étranger dans ma propre famille. J’ai voulu raconter l’histoire de quelqu’un qui cherchait l’intimité sans réellement la trouver, jusqu’à la levée du corps.
Êtes-vous particulièrement intéressé par les relations père-fils et envisagez-vous de réaliser d’autres films à ce sujet ?
Les films qui m’inspirent et qui me touchent sont souvent des histoires de familles. J’ai l’impression de mal connaître mes propres parents, alors qu’ils m’ont tout donné. Il y a quelque chose de l’ordre du non verbal dans la transmission parents/enfants. Ça me passionne et je trouve que ça se prête bien au médium cinématographique. Je pense que mes prochains projets se centreront sur ces questions de famille et de transmission intergénérationnelle, avec un personnage féminin fort. La vie de ma mère m’inspire beaucoup.
En quoi le rattachement aux convenances rituelles vous intéressait-il ?
Le poids de la tradition est quelque chose que j’ai vécu, c’était donc un aspect important du film. Je trouve que c’est un bon moyen de signifier que Salim est sorti du giron familial. La tradition, musulmane dans mon film, est un point de repère et d’identification de la famille. Or, Salim n’a pas ces codes-là, ce qui le met un peu à la marge. L’enjeu était de comprendre immédiatement qu’il était passé « de l’autre côté », sans avoir à l’exprimer verbalement.
Comment avez-vous travaillé la respiration du film ? L’aviez-vous conceptualisée en amont, est-ce venu au tournage ou avez-vous tout fait au montage ? Le tournage a-t-il été fait en un jour ?
Dès l’écriture, les moments de suspens, notamment dans la deuxième partie du film, étaient présents. C’est quelque chose que j’avais déjà conceptualisée et qui n’a fait que s’affiner tout au long de la réécriture, puis des échanges avec l’équipe. Il fallait que le film accélère, que la machine s’emballe, avant de retomber soudainement dans un état introspectif et silencieux. Le montage a été une étape essentielle dans la cristallisation de ces respirations, ces silences. Le champ/contrechamp permet d’étirer des silences qui n’existaient pas au tournage, de supprimer des répliques trop évidentes, explicatives. C’est une écriture à part entière. Le tournage a duré cinq jours.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Je ne sais pas si le format court-métrage m’a apporté des libertés. J’ai même l’impression que les contraintes sont plus importantes. Il faut atteindre une efficacité dans l’écriture, rendre les choses claires et lisibles tout de suite, sans qu’elles soient trop explicatives ni didactiques. Si une scène ne fonctionne pas sur une durée de 24 minutes, tout le monde ne parlera que de ça. Alors que sur un long-métrage, j’ai l’impression que certains passages peuvent être plus convenus sans pour autant impacter l’expérience globale.
Quelles sont vos œuvres de référence ?
Pour ce film, le cinéma de James Gray (Little Odessa, The Yards, Two Lovers), Francis Ford Coppola (Le parrain) et Ettore Scola (Une journée particulière) ont été des modèles, autant pour les arcs narratifs que pour l’esthétique, la mise en scène des intérieurs, l’éclairage et les décors.
Pour voir La veillée, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F2.