Breakfast avec Jusqu’à l’os
Entretien avec Sébastien Betbeder, réalisateur de Jusqu’à l’os
Pourquoi vouliez-vous aborder la thématique du mal-être et des remises en question qui y sont liées ?
Le mal être ne me semble pas être particulièrement « un sujet » dans Jusqu’à l’os, il s’agit de l’état intermittent dans lequel se trouvent mes personnages qui subissent les désagréments de l’époque tout simplement. Ils sont en cela proche de l’état de beaucoup de personnes subissant le climat actuel et, de ce fait, me paraissent être des personnages intéressants à filmer.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le rapport à la mort ou peut-être plus précisément à la non-mort ?
L’idée d’un personnage entre la vie et la mort, sorte d’ange ou de zombie et ce que provoque sa rencontre avec Usé et Thomas m’a paru être un moteur de fiction stimulant et riche de possible. Jojo a besoin d’Usé et de Thomas pour tenter de redevenir un individu à part entière. Il est incapable de se sortir de cet état seul et cette rencontre entre ces trois êtres va donner le sens au film et chacun individuellement va trouver un sens à ce trio.
Comment a été travaillée la composition musicale ? Existait-elle avant le tournage ou a-t-elle été ajoutée après ?
Il y a dans le film des morceaux joués live par Usé que nous avions choisis ensemble avant le tournage pour leurs résonances en particulier avec le parcours des personnages. J’ai demandé ensuite à Usé de composer une bande originale à partir du montage avec la contrainte d’un thème récurrent.
Pourquoi vouliez-vous que vos personnages arpentent différents lieux ? Comment ces lieux ont-ils été sélectionnés en amont ?
Cela fait partie du travail du journaliste du Courrier Picard interprété par Thomas. Son journal lui a commandé un portrait d’Usé et il a décidé de parcourir avec lui ses endroits préférés. Ce parti-pris de scénario me permettait d’intégrer la ville d’Amiens comme un pur décor de fiction. J’ai choisi les lieux pour leur force évocatrice, poétique et pour ce qu’ils représentent de la contre-culture amiénoise, de son passé ouvrier…
Pourquoi avez-vous fait le lien avec Emmanuel Macron et la politique ? D’où vous est venue l’idée des citations ?
Macron a été lycéen à Amiens et c’est dans ce lycée de La providence qu’il a rencontré Brigitte. Je n’imaginais pas tourner dans cette ville l’histoire réelle d’un personnage s’étant porté candidat à l’élection municipale, sans évoquer Macron. Lorsque j’ai mis bout à bout une partie des phrases « chocs » qu’il avait prononcées ces dernières années, j’ai été frappé une nouvelle fois par la violence de son discours. J’ai écrit cette scène devant le lycée comme un cri rageur, comme une manière de dire : vous vous rendez-compte pour qui notre président nous prend ? Et nous, nous devons continuer à baisser la tête docilement ?
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le décalage entre la connexion forte qu’a le duo Thomas-Usé et les échanges plus stériles avec leurs autres relations, y compris ceux de Thomas avec son ex ?
La relation de Thomas avec son ancienne copine est plutôt le témoignage de la fin d’un amour. En l’occurrence, il y est question de leur différence d’âge, de vivre d’autres aventures séparément. Lorsque Thomas rencontre Usé puis Jojo, il redécouvre en quelque sorte un sens à sa vie. Pour Usé c’est aussi, je crois, la rencontre dont il avait besoin. Tous les deux croient comme moi aux vertus de l’amitié, aux liens forts qui peuvent unir deux êtres au-delà de l’amour.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
J’ai toujours revendiqué que le format court permet une liberté qui est souvent difficile à garder avec le long-métrage. J’ai donc besoin de revenir vers ce format pour retrouver la nécessité première de faire du cinéma, sans avoir à se battre pour imposer ses choix esthétiques ou narratifs, avec la possibilité de tourner sans attendre. Avec Jusqu’à l’os, qui est un film d’urgence, je ne me suis en rien censuré et c’est un bonheur de pouvoir écrire, mettre en scène, choisir les comédiens ou non comédiens avec qui on a le désir de travailler, sans contraintes. À ce titre, je tiens à remercier Pascale Faure et Brigitte Pardo pour leur confiance, ainsi que la région Hauts-de-France.
Quelles sont vos œuvres de référence ?
C’est une question trop difficile à laquelle j’ai toujours du mal à répondre. Beaucoup d’œuvres m’accompagnent depuis mes premières années de spectateurs, il serait réducteur de dresser une liste de quelques titres.
Pour voir Jusqu’à l’os, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F1.