Goûter avec Les méduses de Gouville
Entretien avec Paul Nouhet, réalisateur de Les méduses de Gouville
Que pouvez-vous nous dire de la genèse de Les méduses de Gouville ?
Au tout départ, il y a la rencontre avec Tristan Vaslot, le producteur du film. On s’est rencontré en 1ère année dans l’école de cinéma La Fémis et on est très vite devenus copains. Tristan m’a emmené un week-end à Gouville-sur-Mer, chez ses grands-parents. Il a passé toutes ses vacances d’enfance en Normandie mais moi je ne connaissais pas du tout. Et j’ai adoré ! Il m’a montré ces cabines qui font la renommée de la commune. Il y en a 70, construites en bois avec des toits multicolores, qui s’enchainent sur les dunes au-dessus de la plage. J’ai trouvé qu’elles étaient très cinématographiques, elles me rappelaient le film Les Vacances de monsieur Hulot de Jacques Tati. Les vacances d’été arrivant, on s’est dit que ça serait chouette de profiter de notre temps libre pour faire un film à Gouville. On savait que l’école pouvait nous prêter un peu de matériel, ce qui nous permettrait de produire le film à moindre frais. J’ai écrit assez vite une première version du scénario, on a rassemblé une équipe avec d’autres amis, de l’école ou d’ailleurs et c’est parti comme ça.
Vous semblez vous être amusé à placer Antoine, personnage lunaire et constamment en décalage, dans des situations qu’il ne va pas savoir gérer. Est-ce comme cela que vous avez pensé le scénario ?
C’est vrai qu’Antoine est un peu branque. C’est un personnage que j’avais déjà amorcé dans un précédent court-métrage réalisé à l’école. Il s’appelait alors Maxime. Dans ce film, je voulais lui donner une dimension plus poétique et mélancolique. Il s’est construit son propre petit monde, fait de pêche à la méduse et de bonbons tutti-candies, dans lequel il est finalement très à l’aise, mais un peu seul aussi. Jeanne (Dorothée Levesque), la petite amie de son frère (Victor Boyer), est le personnage qui va venir perturber ses habitudes. Elle éveille en lui des émotions qu’il ne connaissait pas, et qu’il ne sait pas gérer en effet. Mais à la base, j’ai plutôt construit le scénario en écrivant des scènes dans la discontinuité, sans me préoccuper de l’histoire globale. L’important, c’était que les dialogues me fassent rire. Quand j’ai eu suffisamment de scènes, j’ai cherché une manière de les rassembler dans un récit en les ré-ajustant. Ce travail d’écriture s’est poursuivi avec tous mes collaborateurs et collaboratrices artistiques au tournage puis au montage.
Avez-vous envie de continuer, à l’avenir, à être devant et derrière la caméra ?
En fait je finis actuellement la post-production d’un court-métrage avec le personnage de Maxime, la version « parisienne » d’Antoine. J’interprète donc le rôle de Maxime, et Edouard Rerolle le personnage du meilleur pote de Maxime : Florent. Pour la suite, je verrai en fonction des histoires qui me viennent, mais ce n’est pas du tout une obligation, ça dépend des personnages.
Quelles sont vos œuvres de référence ?
Il y en a plein. En fait j’aime des choses très variées dans le cinéma, et mes films favoris n’ont souvent rien à voir avec Les méduses de Gouville. Mais disons qu’au moment d’écrire ce scénario, je découvrais les films de Sophie Letourneur, Guillaume Brac, Sébastien Betbeder, Thomas Salvador, Emmanuel Mouret. Tous des cinéastes contemporains, d’une comédie très mélancolique qui me touche beaucoup. Et puis surtout il y a la bande dessinée. Je lis pas mal de bandes dessinées et certains auteurs sont des références pour moi, autant pour la mise en scène que pour l’écriture des dialogues. Bastien Vives, Morgan Navarro, Anouk Ricard, par exemple, écrivent et dessinent des BD que je trouve formidables.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées ?
Je n’ai encore jamais travaillé sur un film dépassant 30 minutes donc je n’ai pas vraiment de point de comparaison par rapport à la durée d’un film. Mais je dirais que pour ce film, ce qui nous a donné beaucoup de liberté, c’est de tourner dans des décors extérieurs proches les uns des autres, avec une équipe très réduite, la lumière naturelle et peu de matériel. Cela nous a permis d’être très flexibles sur le plan de travail : nous décidions la veille de ce qu’on allait tourner le lendemain, parfois le jour même. Ce qui est particulier en Normandie, c’est que la météo est très changeante et imprévisible. Ce n’était pas rare qu’on tourne un plan sur un personnage en plein soleil et le temps d’installer le contre champ il se mettait à pleuvoir des cordes. Aussi, la marée monte extrêmement vite sur les plages de Gouville. C’est très surprenant. Un jour, nous avons même failli rester coincé au milieu du parc à huîtres avec la caméra. La légèreté de notre dispositif nous a permis d’être réactif dans ce genre de situations.
Pour voir Les méduses de Gouville, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F11.