Lunch avec Mujer Sin Hijo (Femme sans enfant)
Entretien avec Eva Saiz, réalisatrice de Mujer Sin Hijo (Femme sans enfant)
Comment avez-vous imaginé Mujer Sin Hijo ? Pouvez-vous nous parler un peu du processus de tournage ?
Je pense que la plus grande difficulté a été de me voir comme une réalisatrice. Je suis avant tout scénariste : Mujer Sin Hijo est ma seule réalisation. J’ai écrit le scénario alors que j’étais encore étudiante en école de cinéma, puis je suis passée à autre chose. Ça arrive tout le temps : vous écrivez quelque chose, puis vous le laissez de côté pendant quelque temps. Je suis revenue sur cette histoire parce que le producteur insistait. En apparence, il s’agissait d’un projet simple, avec un lieu unique et quelques acteurs. On a tourné dans la maison de ma grand-mère. C’est cet espace que j’avais en tête lors de l’écriture du scénario. Je pense que le charme de ce court métrage vient du fait que nous étions un groupe d’amis, qui s’appréciaient et se faisaient confiance et cherchaient à réaliser un projet personnel de manière professionnelle.
Que cherchiez-vous à explorer dans la relation entre Tere et le jeune homme ?
Je n’aime pas théoriser les personnages. Je pense que les histoires doivent parler d’elles-mêmes et non pas par le biais de ce que leurs auteurs disent. Le public voit ce qu’il veut voir : les spectateurs se projettent dans les images que je leur montre. Pour moi, cette histoire a été l’occasion d’explorer la solitude depuis deux points de vue différents. Ce sont deux solitudes qui se rejoignent et se tiennent compagnie.
Votre film évite de tomber dans le pathos et dévoile un portrait de femme intéressant. Qu’espérez-vous que le public retire de ce film ?
En réalité, je n’attends rien du public. J’ai fait mon travail, et chacun est libre de penser ce qu’il veut du résultat. Je ne cherche pas à faire de l’activisme avec mon court métrage, ni à donner de leçons sur quelque sujet que ce soit. J’ai essayé de montrer une femme avec la dignité que confère toujours la normalité, de normaliser certains sujets qui sont normaux pour moi, avec mon point de vue sur la solitude, le sexe et la jeunesse. Le fait que ce court métrage plaise à un large public (des femmes âgées aux adolescents) me fait penser que la société est prête à aborder de manière respectueuse et naturelle certains sujets, sans pour autant tomber dans les clichés ou la moquerie.
Y a-t-il des libertés que le court métrage vous a apportées ?
Oui. En Espagne, nous ne possédons pas une solide industrie du court métrage. Quand nous en tournons un, nous savons que nous n’en tirerons pas de bénéfices (très peu permettent de rentabiliser l’investissement). Nous n’avons pas non plus de pression par rapport à l’accueil du public ou au succès au box-office, car notre travail n’est pas projeté dans les cinémas comme un long métrage. Nous avons réalisé le court métrage que nous voulions, sans penser au reste. C’est le projet que nous imaginions quand nous fermions les yeux, car tout le reste n’était qu’incertitude.
Quelles sont vos références cinématographiques ?
Lorsque vous vous consacrez à ce métier, je pense que tout ce que vous regardez vous sert de référence, même s’il s’agit d’une œuvre à laquelle vous ne voulez pas que votre travail ressemble. J’ai entendu dire que les films que vous n’aimez pas vous apprennent plus de choses que ceux que vous aimez, et je pense que c’est vrai. J’aime le cinéma en général et je regarde tout. Pour Mujer Sin Hijo je me suis principalement inspirée du travail de réalisateurs qui m’obsèdent, comme Miranda July (le traitement de l’espace dans The Future), Alice Rohrwacher (les cadres des personnages dans Les merveilles), le ton d’Ulrich Seidl et la narration légère de Victor Erize (Le songe de la lumière).
Mujer Sin Hijo (Femme sans enfant) est présenté en compétition internationale dans le programme I9.