23e compétition labo
L’immémoire
Ce titre est un clin d’œil à Chris Marker qui était un acteur impliqué dans la réalité sociale et politique de nombreux pays, mais aussi auteur de tout un travail autour de la mémoire. De nombreux films de ce cru 2024 du labo y font écho, à la fois vibrants, engagés, et on ne peut plus dans leur époque. Le Mexicain Julio Hernández Cordón brandit sa caméra pour contribuer à la construction d’une mémoire collective, et sa manière de transmettre les récits de résistance est magistrale, convoquant une jeunesse pétaradante et motivée. Avec Los Rayos de una Tormenta, il remet au centre des débats l’impact du colonialisme sur son pays.
En 1997, René Vautier était membre du jury international. Militant d’une caméra citoyenne et d’un cinéma d’intervention sociale, il s’était félicité de ces films qui osent. Il a réalisé Afrique 50, brûlot anticolonialiste. Il aurait certainement apprécié Até Onde o Mundo Alcança du Brésilien Daniel Frota de Abreu qui dénonce d’une manière surprenante les effets à long terme du colonialisme au Brésil.
Xacio Baño, passionnant réalisateur galicien, s’interroge sur ces photographies que l’on trie et élimine ; à partir d’une certaine quantité, elles commencent à dessiner un itinéraire, à cartographier le pays imaginaire qui existe au-dedans de nous. Dans Non te Vexo, on agence, on parcourt, on accumule des signes, et la fiction devient celle de leur mise en circulation.
Comment Chris Marker se serait approprié l’Intelligence Artificielle ? Question vaine mais qui donne envie de revoir Level 5. Arthur Chopin approche dans 512X512 cette zone de l’immémoire chère à Marker. Plongé dans les limbes de l’IA, il a prompté, corrigé, régénéré, et le résultat est à la fois fascinant et terrifiant. On y retrouve les mêmes imprévus que dans une approche créative plus traditionnelle. Le mélange entre la technologie et le langage poétique devient intéressant car il induit une subjectivité : il faut être créatif·ve !
Bill Morrison est de retour en compétition après plusieurs sélections à Clermont, la réalisation de longs métrages et une participation au jury labo en 2014. Habitué à magnifier la matière argentique dans ses films, il sort de sa zone de confort avec Incident : l’outil Internet lui permet de documenter et agencer implacablement des violences policières qui se sont déroulées à Chicago en 2018.
Plongée étouffante dans le Jérusalem de son adolescence, Via Dolorosa est un voyage introspectif dans la vie de Rachel Gutgarts, sa réalisatrice. Le film explore sa découverte de la sexualité, son addiction aux drogues et sa vision hallucinatoire et très graphique de la religion. La réalisatrice dessine ainsi un portrait méconnu de sa ville natale.
La rétrospective 2023 consacrée à Taïwan a permis de mettre en lumière de jeunes talents dont Pang-chuan Huang fait partie. Après avoir reçu deux grands prix à Clermont il revient avec Petit cahier de cinéma, expérimentant différents liquides de développement pour sa pellicule, le vin rouge donnant une teinte violine à la partie française de son film. Une belle façon de célébrer son amour du cinéma et de notre pays.
Ces quelques exemples pour chatouiller votre curiosité, la cuvée 2024 du labo est foisonnante ! Explorez le côté obscur des films pour mieux revenir vers leur lumière et leur beauté.