Rétrospective thématique : Courts de Babel
Dans la compétition clermontoise 2018, Toprak, du haut de ses 8 ans, avait la lourde responsabilité de faire l’interface entre ses parents, ne parlant que le turc, et l’échographiste français auquel toute la famille était suspendue (Toprak), cependant que dans Abu Adnan, un médecin syrien, exilé avec son jeune fils, prenait des cours du soir de danois, et pesait chaque mot.
On souffrait avec Berry, le prof vacataire de Master of the Classe, en perdition dans son cours polyglotte, on compatissait au sort du héros de Wave, se réveillant locuteur unique d’une langue plongeant les meilleurs linguistes dans des abîmes de perplexité.
Dans Parades, on vit le comédien Pascal Tagnati parlant l’oiseau à sa compagne de robinsonnade, et on assista, attendris, à l’improbable conquête de Marisa l’Espagnole par le Japonais Hiroshi, avec le précieux concours d’un petit dictionnaire, du chien Tico et d’une solide paëlla (Ato San Nen).
Ces films, et d’autres, nous ont donné envie d’aller voir ce qui se tisse entre des êtres ne parlant pas la même langue : incompréhension, malentendus, certes, mais aussi, paradoxalement, par obligation d’aller à l’essentiel, rapprochements inattendus, petits miracles, amitiés à prise rapide.
Le public clermontois, qui le sacra en 2014, n’a pas oublié Inupiluk, de Sébastien Betbeder : Ole et Adam, deux solides Groenlandais jamais sortis du petit village de Kullorsuaq, partent à la rencontre de deux Thomas parisiens un peu lymphatiques. Personne ne parle la langue de l’autre, on s’enregistre (on fera traduire plus tard), on fait des gestes, des mimiques, on rit beaucoup, on se quitte sur la promesse d’un match retour. On sait qu’il a eu lieu, c’est même un film (Le voyage au Groenland).
S’il sera question d’exil dans « Courts de Babel », on y jouera aussi sur les mots, avec des fantaisies aux sous-titres rebelles et autres « traducteurs cleptomanes ».