Rétro Pédalage
Comment expliquer la passion pour le vélo, ce désir de liberté, ce besoin de sortir rouler quelle que soit la météo, de prolonger toujours le bout de sa route ?
« I Bike » de Martin Amiot et Philippe Bellemare (Canada, Québec – 2013)
« Cela pourrait se résumer en trois ou quatre mots : retarder l’instant du crépuscule. Faut-il expliquer, justifier, se perdre en paroles là où seuls comptent les actes ? Retarder l’instant du crépuscule. Cela suffit. Les jambes qui tournent sur la terre qui tourne, c’est la vie qui repousse ses limites, qui agrandit ses frontières. Le temps perdu à rouler dans le vent, sous la pluie ou contre la montre, c’est du temps retrouvé pour affronter plus tard les jours gris qu’on tapisse avec ses souvenirs, tant mieux s’ils furent heureux, et s’ils ne le sont pas, au moins qu’ils soient riches en aventure ».
Avec ce texte emprunté à la plume d’Eric Fottorino, l’esprit de la rétrospective est là. Trois programmes pour démontrer, s’il en était encore besoin, que le vélo fait du bien au corps, à la tête… mais aussi à la planète. Vingt-quatre films où forçats de la route, amoureux de la petite reine et pédaleurs du quotidien se partagent les premiers rôles sur l’asphalte.
« 60 cycles » de Jean-Claude Labrecque (Canada – 1964)
© Office national du film du Canada. Tous droits réservés.
Bien évidemment, il sera question de coursiers qui s’imposent « à la pédale », d’épopées mythiques dans des paysages époustouflants. 60 Cycles est une immersion québécoise dans le peloton du Tour du Saint-Laurent 1965, première réalisation de Jean-Claude Labrecque truffée de recherches visuelles : « je ne connaissais pas grand chose au cyclisme, j’ai pris le projet de front pour faire un film physique… c’est tourné enragé, monté enragé et mixé enragé ». Un film à découvrir en tandem avec Vive le Tour de Louis Malle, documentaire sur la Grande Boucle 1962, dans l’intimité des spectateurs, journalistes et coureurs harassés de chaleur se lançant à la chasse à la cannette… La compétition toujours, mais sur un ton humoristique, avec l’animation Panique au village où Cow-Boy et Indien tentent de ravir la coupe à Monsieur Eddy (Merckx, hein, pas l’autre…). Et l’entrainement fractionné filmé façon Labo dans Going Nowhere Fast, séance de home trainer d’un club londonien, lors d’une soirée glaciale où la température ne va pourtant cesser de grimper. Sans oublier le départ originel des frères Lumière…
Pour l’aventure, on se calera dans la roue de 30 Century Man : musique de Mogwai et portrait solaire de James Bowthorpe lors de son tour du monde. Le tout mis en lumière par Antony Crook, un jour sans fin sur les routes de Norvège.
« Paris Shangai » de Thomas Cailley (France – 2010)
© Ivan Mathie
Également Paris Shanghai du juré national Thomas Cailley (réalisateur de Les Combattants, en salle cet été) où, pour donner un sens à sa vie, on quitte Paris pour rejoindre la Chine en vélo… avec plus ou moins de réussite ! On retrouvera avec délice Les Yeux fermés, documentaire animé de Jeanne Paturle. Restée à Paris, elle imagine le carnet de voyage d’amis partis en tandem en Afrique accompagnés de non-voyants, à partir des enregistrements audio qu’ils lui transmettent.
Mais à vélo, l’aventure est aussi au coin de sa rue. Sur les trottoirs de New York, A Bike Ride est prétexte à une discussion père / fille sur les aléas de l’existence. Au Japon, avec Jitensha, un homme constate que c’est sa vie qu’il est en train de reconstruire à mesure qu’il retrouve son vélo dérobé pièce par pièce.
« Father and Daughter » de Michael Dudok de Wit (Pays-Bas – 2000)
N’oublions pas les pédaleurs du quotidien. Les facteurs de Tati. Le conducteur d’un vélo taxi qui se lance, avec Three-Legged Horses, dans une ascension pour le moins improbable vers le château d’Edimbourg. La meute surnaturelle qui hante les rues de Paris en fixie au rythme de Gesaffelstein (Ghostriders II). La fille cherchant le père de l’oscarisé Father and Daugther. Et la communauté cycliste de Montréal, persuadée dans I Bike que, grâce au vélo, on peut radicalement transformer une ville : « Va au travail en vélo pendant un mois, regarde combien tu as économisé d’argent, comment tu es plus en forme et comment tu es souvent le seul qui sourit le matin dans l’ascenseur parce que tu viens de prendre une bouffée d’air frais au lieu de te taper une heure d’embouteillage ! »
Alors besoin de se dépasser, de se dépenser, de partager un instant magique, ou simplement de prendre l’air ?
En route pour 3 programmes de cyclothérapie !
Suivez les dessous de la rétro vélo sur le blog de La Brasserie !