Goûter avec A Dream of Spring (Un rêve de printemps)
Entretien avec Shih Han Tsao, réalisateur de A Dream of Spring (Un rêve de printemps)
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à la situation de ces anciens combattants chinois coincés à Taïwan ?
J’ai grandi et effectué mon service militaire à Kaohsiung Zuoying. Zuoying est la plus grande base navale de Taïwan, il y a donc beaucoup d’anciens combattants qui y vivent. Pour des raisons politiques et historiques, de nombreux Taïwanais ont des préjugés à l’égard de ces vétérans. Mais ayant passé ma jeunesse à Zuoying, j’ai eu l’occasion de les fréquenter et d’en savoir plus sur leur compte. Beaucoup d’anciens combattants se sentent profondément seuls car ils ont dû quitter leur ville natale à l’adolescence et nombre d’entre eux n’ont jamais pu rentrer ni revoir leur famille. Ce qui est encore plus terrible, c’est qu’avec le temps, ces hommes qui ont participé à l’histoire de la Chine et de Taïwan sont en train de disparaître dans l’indifférence générale. En tant que cinéaste contemporain, je tenais à raconter une histoire contemporaine qui ne doit pas sombrer dans l’oubli.
Vous intéressez-vous à la solitude et avez-vous d’autres projets sur ce thème ?
Depuis tout petit, je suis quelqu’un qui a tendance à s’éloigner du groupe. Un proverbe bouddhiste dit qu’il faut d’abord apprendre à mourir avant d’apprendre quoi que ce soit sur la vie. Ce qui veut dire que les gens devraient savoir que la mort est partout, puis affronter les problèmes de la vie comme si la fin était en train d’arriver. Ce que je comprends, c’est que chacun doit résoudre ses propres problèmes. Nous sommes donc tous seuls. Je suis en train de préparer un court métrage, Le chat et les mouches, l’histoire d’un gardien portuaire et d’une femme handicapée mentale qui gagne sa vie grâce au sexe. C’est aussi une rencontre avec une âme seule.
Pourquoi votre personnage porte-t-il ainsi le deuil de son ancien camarade ?
Parce que cette personne était son compagnon d’armes, et que les gens restent proches quand ils ont vécu quelque chose en commun. Quand le protagoniste, Zhao, regarde la vie de son regretté compagnon, il la compare avec la sienne : il a fait la guerre civile, vécu loin de chez lui et il est mort en terre étrangère. C’est sans doute la fin qui l’attend lui aussi. Donc il porte le deuil de son camarade, mais c’est aussi sur son propre sort qu’il s’apitoie.
Quelle est la chanson que l’on entend sur le magnétophone ?
C’est une vieille chanson appelée « un rêve de printemps », très connue en 1950, elle illustre mon film. Elle parle de gens qui se retrouvent après une longue séparation, pour finalement se rendre compte que tout cela n’était qu’un rêve. J’ai repris cette chanson car elle fait écho à l’histoire de mon film, mais aussi parce qu’elle en contient les multiples métaphores.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
À mon sens, les limites du court métrage sont différentes de celles du long métrage, donc je ne dirais pas que ce format prend naissance de façon plus libre. Mais comme le court métrage n’exige pas de récit vraiment complet, on peut y traiter un concept très bref mais très intéressant, voire juste un poème, donc je pense que le court métrage aide l’artiste à créer de la diversité.
A Dream of Spring a été projeté en compétition internationale.