Goûter avec Abu Adnan (Le père d’Adnan)
Entretien avec Sylvia Le Fanu, réalisatrice de Abu Adnan (Le père d’Adnan)
Adnan et son père sont-ils inspirés de personnes que vous avez rencontrées, d’histoires vécues ?
En fait, je me suis inspirée de mon vécu au Danemark avec des parents étrangers. Je sais ce qu’on ressent quand on a des parents différents des autres, et j’imagine que ça a dû être très dur pour eux de « montrer l’exemple » alors qu’ils se heurtaient à une langue et des mœurs étrangères. Avec Mads, mon coscénariste, dès qu’on a commencé à développer cette idée et entamé nos recherches, on s’est rendu compte que beaucoup d’étrangers se reconnaissaient dans cette histoire. Sayid (le père) et Adnan sont donc inspirés de l’histoire de beaucoup de gens. Quant à la relation entre les deux personnages, elle est rendue très authentique par le lien très fort qui unit Salim et Jihad, qui sont père et fils dans la vraie vie.
Beaucoup de films sur des réfugiés qui recommencent à zéro dans un pays étranger évoquent les obstacles logistiques ou l’hostilité qu’ils rencontrent. Pourquoi avez-vous préféré raconter l’histoire d’une relation père-fils ?
Je ne voulais pas faire un film sur « eux » et « nous ». Je voulais plutôt me pencher sur les conséquences d’un déménagement à l’étranger sur les rouages de la famille : l’autorité naturelle d’un parent est mise à rude épreuve à cause de la barrière de la langue et des différences culturelles. La relation de pouvoir s’inverse car les enfants s’intègrent souvent plus rapidement. J’ai trouvé qu’il était important d’évoquer cette question sans porter de jugement et de montrer que bien que chacun y mette du sien (y compris les institutions danoises, représentées par le professeur), cette rencontre interculturelle n’est jamais facile, à cause de tous les malentendus et de nos préjugés (aussi inconscients soient-ils) contre les personnes différentes de nous.
Comment avez-vous trouvé les acteurs qui jouent Adnan et son père ?
Dès le départ, je voulais trouver des personnes « authentiques » pour incarner Sayid et Adnan, car c’était le seul moyen pour qu’une jeune femme occidentale comme moi parvienne à raconter cette histoire avec justesse. J’ai passé en revue une vingtaine de candidats, puis une copine qui m’aidait pour le casting m’a présenté Salim et Jihad. Elle savait que le jeune Jihad souhaitait devenir acteur, et pour lui rendre service, Salim (le père, qui est peintre) s’est laissé tenter par l’aventure ! J’ai tout de suite su que je les voulais, et après une brève séance d’impro, je leur ai proposé les rôles.
De quoi avez-vous envie de parler dans vos prochains films ?
Pour l’instant, mon thème de prédilection reste l’impact de la rencontre interculturelle (et des différences) sur la vie des gens, comme dans Le Père d’Adnan, et l’importance des sentiments d’identité et d’appartenance pour éviter la mise à l’écart et la solitude. Pour moi, c’est à l’intérieur de la famille que l’on trouve la matière la plus intéressante pour ce thème – et pour presque tous les thèmes, d’ailleurs.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Pour moi, le court métrage est une plateforme qui permet d’expérimenter des thèmes, d’explorer différentes approches artistiques, de faire des essais. Le format court n’est pas soumis à autant de conventions que le long métrage et il y a plus de place pour la liberté et l’expérimentation. Dans un format court, on raconte une histoire en se concentrant sur la magie du moment, sans en intellectualiser la structure ou l’intrigue.
Pour voir Abu Adnan, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I10.