Dernier verre avec Acide
Entretien avec Just Philippot, réalisateur de Acide
Comment vous est venue l’inspiration pour Acide ?
Pour Acide, j’ai été invité comme scénariste dans une résidence d’écriture initiée par SO FILM, CANAL + et le CNC qui avait pour but de proposer une « nouvelle façon d’écrire » en groupe. Nous étions donc 5 scénaristes dans cette résidence, à recevoir une carte blanche autour du cinéma de genre. N’étant pas forcément spécialiste du cinéma de genre, j’arrivais sans idée et sans projet. Je me suis alors plongé dans mes traumatismes de jeune spectateur. J’ai repensé à La Mouche, à Robocop. J’ai repensé à l’hystérie collective des scènes de tueries dans Requiem pour un massacre… La destruction des corps, la transformation, la mutilation sont des thèmes qui me mettent terriblement mal à l’aise. Pour écrire un tel projet, je devais donc laisser ce malaise guider mon scénario. En deux mots, je voulais faire une histoire que je ne voulais pas voir. Et puis l’autre moteur narratif, c’était la naissance de ma fille et la sempiternelle question que je me posais quand je regardais les informations : quel monde vais-je laisser à mon enfant ? La pire histoire de ma vie serait lui demander de devenir adulte à 8 ans, parce que personne n’a compris le drame écologique qui ne cesse de prendre forme quelque part et qu’on va bientôt se prendre sur la figure…
Connaissez-vous la question des réfugiés climatiques ? Ce problème a-t-il participé à votre réflexion ?
Bien sûr… Cette question fait partie de mes grandes interrogations sur notre aveuglement permanent, sur l’aveuglement de nos dirigeants et de notre système économique. Comment, encore aujourd’hui ne pas systématiquement mettre en avant des règles écologiques et sociales qui puissent enrayer la situation dans lequel on s’enfonce tous ? Et permettre un partage plus juste des richesses qu’il nous reste ? Cette forme de mépris ou d’incompétence m’a donné envie d’être très agressif sur le ton du film. Je ne voulais pas faire d’Acide « un truc sympa avec de bons effets ». Non ! Je voulais faire d’Acide un projet sérieux. Je voulais donc faire peur et faire mal, ce qui n’est pas le moteur de ma vie… Mais pour ce film et ce sujet, je devais être le plus sincère possible. On ne peut pas sortir d’un tel sujet, en se disant « c’était chouette ! ». Je voulais réussir exactement l’inverse.
Pourquoi avez-vous choisi de faire intervenir un enfant dans la fuite de vos personnages ?
L’enfant, c’est l’objet le plus précieux et le plus fragile de nos sociétés. Dans mon récit, c’est aussi le poids le plus lourd. Acide parle avant tout de la famille, des liens qui nous unissent. L’innocence de cet enfant qui fait semblant de ne pas comprendre renvoie aux adultes une image fragile : celle du mensonge dans lequel ils s’enfoncent en croyant protéger leur enfant. À chaque instant, la peur les fait vaciller. Le père et la mère ne sont plus les mêmes. Ils sont capables du pire pour se sauver. C’est aussi la meilleure façon de faire peur au spectateur en l’emmenant dans une zone très inconfortable. Voir des personnages qui ne sont pas des héros mais des gens normaux capable de craquer, c’est une formidable façon de créer un lien entre le spectateur et le déroulement de l’action. D’égal à égal, on ose se demander « qu’aurais-je fait à sa place ? ».
Que pensez-vous de la façon dont est géré l’environnement et notre rapport à la Nature en tant qu’êtres humains ?
Je pense qu’on fait, à très large échelle, n’importe quoi. Et que notre rapport à la nature est une honte. Dans Phénomènes, Shyamalan a créé le seul méchant du cinéma qui avait bien raison d’en vouloir à la terre entière.
Avez-vous conçu Acide comme un tout ou partie d’un récit ?
J’ai conçu Acide comme une ligne droite, comme une sorte de dernière fuite qui devait se terminer sur un constat.
Avez-vous prévu la thématique de l’avenir de notre planète et de l’humanité sous d’autres formes et/ou dans d’autres films à venir ?
Oui et non… En fait, je développe avec ma femme une série sur un coin de France qui vient d’être labélisé « endroit le plus pollué de France ». Nous aimerions réussir à retranscrire à travers toute cette histoire, la situation délirante dans laquelle on se retrouve. La pollution, même mortelle, ce n’est pas très grave… Tant qu’on a un peu d’argent pour vivre…
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Je pars du principe que le court métrage est fait pour tenter quelque chose. Dans ce film, je voulais voir mes personnages courir du début à la fin. Pendant 6 jours, et ce malgré toutes les galères techniques et pratiques de l’économie du court métrage, nous avons couru derrière nos comédiens. Je pense que c’est un peu plus difficile sur plusieurs semaines d’affilées, je pense que cela aurait été plus difficile…
Si vous êtes déjà venu, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ?
Sinon, qu’en attendez-vous ?
J’étais venu il y a près de 10 ans pour participer à une séance de Pitch en anglais lors d’une rencontre avec des producteurs européens. Ce jour-là, j’ai regretté de ne pas avoir été très performant au lycée… L’assistance aussi…
Pour voir Acide, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F3 et à la séance collection CANAL+.