Dernier verre avec Alphonse s’égare
Interview de Catherine Buffat et Jean-Luc Gréco, réalisateurs de Alphonse s’égare
Pourquoi étiez-vous intéressé par les rapports sociaux entre jeunes et particulièrement entre jeunes garçons, au moment précis d’une étape de transition vers l’autonomie de l’adulte ?
Ça aurait pu tout aussi bien être des jeunes filles. Les frustrations, les pulsions, sont les mêmes. C’est une période de la vie ou tout est exacerbé, les sentiments, les rejets, les inquiétudes. Ce moment charnière proche de l’âge adulte nous intéressait parce que
c’est un moment ou le point d’interrogation sur son propre devenir devient fatal. C’est l’heure des décisions, des choix à faire avec une impression d’être démuni et perdu…
Comment avez-vous choisi les éléments autour desquels se construisent ces rapports sociaux : le tabac, l’alcool, l’école, la police, les filles… ?
Ces clichés de la jeunesse se sont imposés sans qu’on y ait plus réfléchi que ça, par contre nous avons voulu les utiliser comme des déclencheurs d’émotion et ils nous ont permis de dédramatiser et d’apporter un humour auquel nous tenions beaucoup pour parler « respectueusement » de ce garçon « pas fini ».
Dans Alphonse s’égare, vous questionnez aussi le rapport de jeunes garçons à leurs désirs et plus particulièrement dans la confrontation entre les projections de l’imaginaire d’Alphonse et le réel. Qu’est-ce qui vous intéressait dans l’exploration de ces projections imaginaires et leur confrontation au réel ?
L’intervention avec l’irréel permet à Alphonse d’agir dans des moments où il en est incapable physiquement (lorsqu’il est ivre, lorsqu’il est évanoui…) Par exemple, il met en scène son propre fiasco en imaginant Milou qui flotte sur l’eau. Ces deux mondes, celui de la pensée et celui de la réalité qui s’entremêlent forment pour nous des ambiances qui renvoient une noirceur que nous souhaitions aussi pour ce film.
Le style pictural choisi est très particulier et crée un côté troublant, comment travaillez-vous l’animation en général et comment l’avez-vous travaillée pour ce film en particulier ?
Pour le travail de l’animation, en général, on essaie de garder une part de spontanéité pour le tournage, on prépare donc juste ce qu’il faut en décors et personnages et bien souvent on refait à la dernière minute sous la caméra, sur ce film encore plus que sur les précédents.
On a choisi le noir et blanc pour une question de rapidité d’exécution, mais aussi, il nous renvoie l’image des vieux films et l’idée de la fiction. Nous adaptons notre graphisme au projet d’une manière plutôt inconsciente.
Comment avez-vous travaillé la bande-son ? De temps en temps, elle semble étouffer les personnages, les prendre à la gorge, est-ce volontaire ?
C’est la première fois que nous faisons le son nous-mêmes et nous n’étions pas très sûrs de nous. On a beaucoup travaillé à l’intuition. On essaie des choses, on peut être très surpris, et découvrir des sensations liées à un son que nous n’avions pas imaginé. On a utilisé le son avec l’intention d’amplifier les émotions, mais aussi de donner un rythme et une énergie.
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
Julieta de Almodovar, Kaili Blues de Bi Gan, Paterson de Jim Jarmusch.
Si vous êtes déjà venu(e)(s), racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
La première fois que nous sommes venus au festival était liée à la sélection de notre premier film. Nous avons assisté incognito à une séance où était projeté La bouche cousue parmi des films plutôt sombres. Le public face à notre film semblait se détendre et riait de bon cœur, nous en gardons un souvenir très chaleureux.
Pour voir Alphonse s’égare, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F3.