Auteurs en résidence : Alexandre Dostie
Le Label création de Sauve qui peut le court métrage – ShortCuts – vous propose de rencontrer les lauréats des résidences d’écriture 2022 de Moulins et Clermont-Ferrand à travers 4 interviews. Rencontre avec Alexandre Dostie autour de son projet Boa.
Vous êtes lauréat de la résidence de Moulins, pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Alexandre Dostie, je suis scénariste-réalisateur originaire du Québec, j’habite à Trois-Rivières. J’ai déposé une candidature pour la résidence 2021 mais à cause de la pandémie je suis finalement là en 2022, et je suis d’ailleurs très heureux que l’organisation de la résidence ait tout fait pour que je puisse tout de même venir en 2022 avec les 2 lauréats de cette année.
Comment est venue l’idée du projet, l’envie de travailler sur la thématique développée dans celui-ci ?
Le film est centré sur un moine qui renoue avec son enveloppe charnelle, avec son corps. J’aimais bien l’idée de mettre en scène quelqu’un qui a été comme privé de ses sens et qui a peut-être transféré son attention vers quelque chose de plus vertical, de plus spirituel. Travailler aussi autour de la mécanique extraordinaire qu’est la mécanique du corps. J’aime travailler dans les contrastes, je trouvais que ces contrastes-là étaient intéressants. Et puis j’ai voulu travailler avec les contraintes de la résidence en partant de cette idée, en y ajoutant la résidence comme espace d’un territoire bâti particulier : l’Auvergne. En amalgamant tout cela, ça nourrit le film qui n’est pas du tout dans le dialogue mais plus dans le son, le bruit, la musique et qui ne pourrait pas se tourner ailleurs qu’en France parce que j’ai pris l’idée de ce patrimoine bâti au pied de la lettre avec mon moine dedans, parce qu’ici il y a une grande tradition monastique, cette vision est vraiment due à la résidence en soi.
Comment le film s’inscrit-il dans votre chemin de cinéaste ?
Il est sûr qu’il y a un lien entre ce projet et mes films précédents, on le découvre en cours de route mais tout est lié. J’ai déjà fait 2 courts métrages qui ont super bien fonctionné. Je pense qu’aujourd’hui j’ai ma carte de visite de court métragiste, je peux passer au long mais faire du long… c’est long. C’est dur d’écrire du long, j’en écris en ce moment et c’est comme si j’apprenais à faire un marathon, j’apprends à le faire, ce sont des projets assez ambitieux, longs à développer. En parallèle, je n’avais pas l’envie de rester les bras croisés, j’avais envie de retourner sur un plateau, de continuer à travailler sur cette vision que j’articule autour de l’identité, la vie, la mort. Je pense que je relève la barre avec ce projet dans le sens où j’ai découvert que dans le personnage principal de Boa, il y a une incarnation de moi qui est très récente, que je découvre en ce moment et qui me donne un certain vertige.
C’est la première fois que vous travaillez en résidence ?
C’est la première fois. Je me créée parfois moi-même des résidences chez des amis ou de la famille, dans les bois, je trouve toujours des moyens pour aller m’isoler et créer, mais c’est la première fois que j’ai une vraie résidence cadrée et honnêtement, c’est un autre « game ». J’adore la distance physique entre la France et le Québec et aussi être dans un lieu à taille humaine, une petite ville comme Moulins. J’adore être mis en contact, travailler tous les jours avec les 2 autres résidents qui développent aussi leurs projets, c’est très inspirant, encourageant. Ce contact permet de mieux m’affirmer comme scénariste ou artiste, parce que j’en côtoie d’autres ici ! C’est essentiel, et cela me manquait. Ça brise la solitude. J’adore aussi l’apport de l’organisation de la résidence, pour nous nourrir tous azimuts tant dans nos recherches que dans les rencontres avec les professionnels qui viennent se joindre à nous, lire nos projets…
A quel stade était le projet à votre arrivée à la résidence ?
C’était un synopsis long. Le jour où j’ai envoyé la candidature, je n’avais rien d’écrit, j’ai relu l’appel à candidatures, j’ai décidé de participer et là tout s’est mis en place, et ce que j’ai envoyé je n’y ai pas retouché pendant un an. C’était vraiment un synopsis long avec un petit traitement d’à peu près trois pages. Avant de venir ici, j’ai quand même affiné mes intentions, mon traitement, et je suis arrivé à Moulins avec 7 pages. Après deux semaines de résidence, j’ai pu écrire une première version de scénario, ça avance.
Quels professionnels et experts avez-vous rencontré ?
Pascale Faure, de L’œil en plus, nous aide au niveau de la scénarisation, elle est très généreuse de son temps et précieuse dans son appréciation du projet, elle nous nourrit de toutes ses idées et de toute sa compréhension, c’est une très belle rencontre. Théophile Collier, des Studios Palace, explore avec nous les ambiances sonores des projets. Yasmine du MIJ nous met en contact avec tous les interlocuteurs moulinois. L’équipe de la Sauve qui peut le court métrage nous fait visiter des lieux. Avec tous ces éléments là on se demandait même au début si on aurait le temps d’écrire ! Mais on trouve le moyen.
Des choses à ajouter ?
C’est super qu’il y ait une bourse associée à la résidence. Je me souviens quand j’étais à Clermont pour la sélection de mon précédent film, il y avait un atelier sur les résidences et je pense que c’était une des seules résidences présentes à proposer une bourse. Ça fait une vraie différence quand on est artiste, que l’on fait du court métrage, on n’est pas nécessairement fortuné, la bourse nous aide à prendre 6 semaines off pendant lesquelles on peut se concentrer sur la création sans le stress de l’argent et ça nous donne aussi l’impression qu’on nous prend au sérieux. J’ai l’impression que les partenaires investissent déjà dans un potentiel film, ça me donne des ailes pour oser approcher des producteurs français pour qu’ils se joignent à mon producteur québécois. J’aimerais vraiment que le film se fasse et là on me donne l’impression et les moyens que cela sera possible.