Auteurs en résidence : Zoël Aeschbacher
Le Label création de Sauve qui peut le court métrage – ShortCuts – vous propose de rencontrer les lauréats des résidences d’écriture 2020 de Moulins et Clermont-Ferrand à travers 3 interviews. Pour ouvrir le bal, partons à la rencontre de Zoël Aeschbacher, actuellement en résidence d’écriture de court métrage de fiction avec son projet « Passeurs ». Retour sur cette expérience d’écriture inédite et… confinée.
Bonjour Zoël, pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Je m’appelle Zoel Aeschbacher. J’ai 26 ans. Je suis d’origine suisse et vietnamienne. Je me suis installé en France depuis maintenant plus d’un an. Avec mon film de diplôme « Bonobo » j’ai eu l’opportunité de gagner le Prix du Public, catégorie internationale à Clermont-Ferrand en 2018.
Pouvez-vous nous présenter la genèse de votre projet. D’où vient l’envie de travailler sur la thématique des passeurs ?
Mon projet a pris plusieurs formes. A la base, il s’agissait d’écrire un film reprenant les divers points de vue de passeurs. Un point de vue relativement peu exploré jusqu’à présent serait celui des organisateurs de ces voyages. En enquêtant, on se rend compte que ces réseaux prennent diverses formes. Elles fonctionnent réellement comme des agences de voyages. La complexité de l’organisation de ces réseaux de passeurs à l’échelle internationale et la créativité dont ces personnes font preuves est fascinante et infiniment plus riche que ce que les médias nous présentent avec chaque naufrage. Je voulais construire à la base un long-métrage, voire même une série, qui dépeignait plusieurs de ces portraits, qui sont considérés comme l’ennemi numéro un en Europe et notamment frontex. Ça pouvait aller du simple pêcheur de Calais qui cherche à arrondir ses fins de mois à une missionnaire sud-américaine voulant sauver la peau de femmes contraintes au mariage forcé. L’éventail des profils est gigantesque.
La résidence propose faire le suivi d’un court-métrage. J’ai modifié la base, pour partir sur un projet polyphonique qui retrace toute l’exécution de ces voyages et montrer comment un durcissement des frontières peut avoir un impact sur ce business.
Comment ce projet s’inscrit dans votre travail de cinéaste ?
Je suis fasciné par la manière dont le destin des uns et des autres peut basculer à tout moment à cause d’une simple action. C’est ce que j’ai tenté de faire avec mon premier film à l’échelle d’une cité. Avec ce second film, j’aimerais toujours exploiter cette forme chorale, polyphonique, mais à une plus grande échelle. Montrer que ce mécanisme de la « globalisation », nous atteint tous.
Pourquoi avez-vous candidaté à la résidence d’écriture ?
Premièrement je tiens à remercier Jérôme Ters, membre de l’équipe de l’association Sauve qui peut le court métrage pour sa bienveillance. Il m’a rappelé par mail, qu’il y avait justement à disposition des résidences d’écriture de court métrage. J’ai trouvé ça génial ! Parce qu’il s’agissait justement de se concentrer sur un court métrage. On nous donne du temps et du soutien pour développer ce genre de format, ce qui est rare en résidence.
Est-ce la première fois que vous travaillez en résidence ? Comment aborder vous ce mode de travail particulier ?
Oui, c’est ma première résidence et je l’aborde avec plaisir car c’est la meilleure manière de structurer ses journées. J’ai tendance, lorsque je travaille seul, à soit procrastiner soit à m’étendre. Ici, il y a un suivi, des rendus, des discussions. Et aussi le temps. On sait qu’on nous donne 6 semaines, alors on en profite un maximum surtout que j’ai accès à pleins de films grâce à la médiathèque.
En arrivant en début de résidence, à quelle étape de construction du récit étiez-vous ? Une idée, un synopsis… ?
Une idée. J’avais cette idée de long métrage ou série sur les passeurs. Ça a été la base. Ensuite évidemment, ça s’est transformé, afin de pouvoir respecter la durée d’un court métrage. Donc à partir d’un désir il fallait redessiner l’histoire, les situations, concepts, personnages…
Vous êtes-vous fixé un/des objectif/s d’écriture pour les semaines de résidences ?
Oui. L’idée c’est de terminer une version de scénario. Et dans le meilleur des cas pouvoir déjà au plus vite déposer le projet en commission de soutien financier. Je croise les doigts. J’ai la chance d’être déjà soutenu par un producteur (Nelson Ghrenassia de Yukunkun productions en France et Elena Tatti de Box productions en Suisse) qui me poussent justement à terminer ce projet.
La résidence a débuté il y a quelques semaines, comment avance votre projet ? sur quels points avez-vous pu avancer ?
Ça avance relativement vite. J’ai eu le temps de me poser les bonnes questions sur la forme, l’aspect conceptuel, les histoires des divers personnages et comment également les rattacher les uns aux autres, sans qu’ils ne se connaissent (théorie du chaos). J’ai pu écrire plusieurs séquenciers. Maintenant pour le format « script » je collabore avec Gania Latroche qui m’aide à le co-écrire. Elle est beaucoup plus aiguisée que moi concernant l’aspect technique de l’écriture. Surtout qu’à deux on rebondit sur plusieurs idées et assez rapidement. C’est également une première expérience pour moi.
A l’inverse avez-vous des besoins prégnants en termes de ressources (documentation, rencontre, repérages,…) pour déclencher des choses en matière de création ?
Oui, c’est sûr que ça peut nourrir le film très différemment. Surtout que chez moi, les rencontres sont très importantes car j’ai tendance à vouloir caster sur le terrain. Après, je pense que pour pouvoir obtenir ces ressources de manière optimale ça dépend de plusieurs facteurs. Il faudrait que la région en question, concerne déjà le lieu du tournage. En l’occurrence chez moi, je traite du passage entre Calais et Douvres, au nord. Et il faut aussi être arrivé, déjà un stade plus avancé. Ça suggère déjà d’avoir une espèce de première version de scénario. Or pour mon cas, cette résidence m’a permis de partir à zéro. De vraiment imaginer/créer l’histoire.
Malgré une situation singulière liée au confinement, comment êtes-vous accompagnés par les professionnels dans l’écriture de votre projet pendant la résidence ?
Plutôt bien ! Franchement même. Je suis assez surpris de la façon dont on a pu gérer ça. Je pense même que, paradoxalement, les intervenants sont plus disponibles avec ce confinement. Donc on skype et on s’écrit beaucoup. Pour moi, la chose la plus dommageable c’est de ne pas pouvoir profiter de Moulins et sa région et de ne pas pouvoir également être sur place pour profiter du Studio Palace, des rencontres etc.. Mais bon, ça se fera après le confinement j’espère.