Goûter avec Bird Dog (Oiseau-chien)
Entretien avec Katrina Whalen, réalisatrice de Bird Dog (Oiseau-chien)
Qu’est-ce qui vous a poussée à raconter cette histoire pour votre film de fin d’études ? Pourquoi s’agit-il d’une « tourterelle triste » ?
J’ai écrit une version de ce scénario pour ma candidature à NYU Grad Film – une sorte de poème sur une petite fille et son père qui partent à la chasse. Quelques années plus tard, pour combler mon manque d’inspiration pour un autre projet, j’ai repris les scènes de chasse, histoire de me remettre dans le bain. J’ai alors construit un récit plus classique dans ce contexte et là, l’écriture est venue tout de suite. J’ai donc abandonné l’autre idée et j’ai avancé sur une version plus longue de Bird Dog. Une façon intéressante de boucler la boucle de mes études. Il est facile de trouver un sens symbolique à la chasse à la tourterelle, mais le choix de la tourterelle triste pour le film reflète tout simplement la réalité. Ces oiseaux sont les plus prisés par les chasseurs aux États-Unis, que ce soit pour la viande ou pour le sport, et mon enfance a été bercée par la chasse à la tourterelle. Depuis le film, je remarque à quel point elles sont répandues : il y en avait toute une volée qui nichait derrière chez moi pendant que j’écrivais, ce qui m’a inspirée pour la scène du rêve. Leur chant est très doux et envoûtant et le sifflement de leurs ailes quand elles prennent leur envol se reconnaît tout de suite. Ces bruits sont très présents dans la bande-son du film.
Où se passe le film exactement ? Quel est le rôle de la nature et de la chasse pour cette famille ?
Le film a été tourné dans un chalet de chasseurs au Wyoming, un endroit que je connais depuis ma plus tendre enfance. Une fois par an, on s’y retrouvait à plusieurs familles pour un week-end de chasse. On puisait l’eau à l’aide d’une pompe manuelle, on avait un groupe électrogène pour l’électricité et c’était la liberté totale. On partait à la chasse très tôt le matin, puis on passait le reste de la journée à gambader dans la forêt – on inventait des jeux, on cherchait des grenouilles, on courait après les vaches qui s’aventuraient sur notre terrain. Quand j’ai décidé de mettre le scénario à l’écran, j’ai contacté la famille qui est propriétaire de ce lieu. Ils ont soutenu le projet à fond et nous ont prêté le chalet pour tout le tournage. Je n’y étais pas retournée depuis l’âge de 11 ou 12 ans, et j’ai eu un relent de nostalgie et d’inspiration en arrivant. Heureusement que l’équipe était aussi enchantée que moi à l’idée de passer presque deux semaines dans ces conditions rudimentaires, et d’affronter la météo extrêmement capricieuse du Wyoming (un jour il fait 30°C, le lendemain il neige). Passer du temps parmi les arbres et les buissons d’armoise permet de se sentir enraciné dans ces paysages incroyables, et pour beaucoup de gens que je côtoyais quand j’étais petite, la chasse faisait partie du quotidien, c’était une activité familiale. Ces activités sont inconnues des gens que je fréquente aujourd’hui en tant qu’adulte, je tenais donc à décrire cet aspect de la culture américaine complètement dénué de considérations politiques.
Quels sont les éléments purement autobiographiques dans le film ?
Ma famille n’a jamais eu de chance avec les chiens de chasse. On a eu un setter irlandais, un golden retriever, un labrador, ils étaient tous super peureux. Et comme aucun n’était bon pour la chasse, c’est moi qui suis devenue le chien d’arrêt de mon père. Je n’aimais pas trop tirer, mais j’adorais courir dans les champs. On marchait tous les deux, il tirait et je détalais pour aller ramasser la proie. J’avais sept ou huit ans et pour moi, c’était un sacré défi. Tout cela me semblait parfaitement naturel à l’époque. Ce n’est que lorsque j’en ai parlé à mes amis de la fac et que j’ai vu l’horreur dans leurs yeux que j’ai compris que ce n’était pas une activité très commune pour un enfant. Voilà d’où a germé l’idée de faire vivre ce scénario – et aussi du jour où nous avons effectivement mangé des cœurs de tourterelle pour faire les malins. Le reste, c’est l’histoire de Rosie, elle est née sur le papier.
Quels sont les genres et les formats qui vous attirent maintenant que vous avez fini vos études ?
J’adore les westerns. Un bon western nous en apprend autant sur l’époque qu’il décrit que sur celle où il a été tourné. En plus des chevaux et des paysages, on parle de morale, de mort, de culpabilité intérieure et collective au sein d’une nature sauvage. Cela me fascine de voir à quel point la mythologie du Far-West a modelé la pensée occidentale moderne, et je m’intéresse à la place de ce genre classique dans notre imaginaire d’aujourd’hui.
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma l’an dernier ?
J’ai vu récemment au cinéma une version restaurée de Géant, j’ai été scotchée. La performance de Sandra Hüller dans Toni Erdmann m’a marquée pendant des mois, et j’ai adoré The Witch. Quant à Comancheria, il a fait des vagues, c’est bien ! Sinon, ces dernies temps, j’ai une affection particulière pour les trucages, Randolph Scott, Ida Lupino, et Robert Mitchum.
Si vous êtes déjà venue à Clermont-Ferrand, pouvez-vous nous raconter une anecdote sur le festival ? Sinon, quelles sont vos attentes pour cette édition ?
Ce sera la première fois que je viens au festival, donc je veux tout faire. C’est chouette de participer à un festival qui soutient aussi activement le court, avec une salle qui porte le nom d’Agnès Varda et un QG qui s’appelle La Jetée.
Est-ce que vous participerez à d’autres événements pendant le festival de Clermont-Ferrand (Expressos, conférences ou autre) ?
J’ai hâte de voir les Expressos et les programmes Humour noir. Je ferai aussi un tour à l’Atelier.
Pour voir Bird Dog, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I6.