Dîner avec Bølger (Grands espaces)
Entretien avec Thomas Elley, réalisateur de Bølger (Grands espaces)
Je suppose que le titre « Grands espaces » fait allusion au lieu du tournage. Pouvez-vous nous parler de cet endroit et de ses habitants ?
Oui, vous avez raison. Mais paradoxalement, le titre original est « Bølger », ce qui signifie « les vagues » en danois. Comme je détestais ce titre en anglais, je me suis mis en quête d’autre chose. J’ai jeté mon dévolu sur « Open Spaces » (Grands espaces), car ce titre évoquait pour moi les grandes dunes de sable et les plaines de cette île, Rømø. C’est aussi pour contrebalancer le thème principal du film – les espaces confinés dans lesquels vivent les personnages. Ils ont un secret que cette petite communauté très soudée ne doit pas découvrir. C’est une sorte d’enfermement, tant au niveau visuel, dans les scènes, qu’au niveau de l’histoire – on est bien loin des grands espaces. Quant à Rømø, c’est un lieu étrange. Presque deux millions de touristes s’y rendent chaque année mais seulement 600 personnes y vivent de façon permanente. Ainsi, hors saison, c’est une île fantôme. L’école a fermé et la démographie est en chute libre. C’est un endroit où les choses sont dictées par la nature. Depuis que l’île est habitée, la vie y est rythmée par les marées. Les vents incessants rendent les lieux un peu inquiétants.
Pourquoi avoir choisi d’évoquer la différence d’âge dans un couple dans ce cadre précis ?
Je crois que j’ai toujours été attiré par ces petites communautés très soudées. Ma mère vient des îles Féroé, où c’est un peu comme à Rømø mais puissance dix. J’ai grandi dans une ville assez petite. C’est assez spécial, ces petites communautés. Quand on connaît tout le monde, que tout le monde se traite comme les membres d’une même famille, on cesse de voir les faiblesses des autres. Soit on ferme les yeux, soit on fait l’autruche. Cela peut arriver au sein d’une famille, mais aussi au sein de ces communautés.
Comment avez-vous trouvé les acteurs ?
J’avais deux acteurs en tête pour les rôles principaux, et ils étaient disponibles pour le film. Charlotte Munck, qui joue le rôle de Freja, est connue au Danemark. Elle a cartonné dans une série policière danoise il y a quelques années, tout le monde la connaît. Elle est grande et elle en impose. Elle a un côté plus vrai que nature, une présence presque théâtrale. Peu d’actrices au Danemark pratiquent les dialogues et l’improvisation avec autant d’authenticité. Même chose pour Oscar Dyekjær Giese, qui joue Albert. C’est sans doute un des talents les plus prometteurs du Danemark. Il manie la langue avec beaucoup de naturel. C’est ce qui m’a séduit en premier, puis j’ai été bluffé par la puissance de son jeu non-verbal. Il parle très peu dans ce film, il louvoie en arrière-plan, avant d’être subitement projeté, contre son gré, sur le devant de la scène. Et puis, il est très grand. On a l’impression qu’il est trop grand pour rentrer dans la maison. Et ça, j’adore.
Quels sont les thèmes que vous aimeriez traiter à l’avenir ?
Je travaille sur un film sur la volonté. Ça fait très prétentieux, mais je n’en sais pas vraiment plus. Il sera extrêmement sinistre et encore plus austère que Bølger.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
On est plus libre dans la réalisation, je pense. Un jour, il arrivera qu’un sponsor me demande des contreparties financières. Il faudra alors changer le regard artistique de l’équipe. Je redoute le jour où une personne qui n’est pas dans l’équipe viendra exiger (j’ai bien dit exiger, pas suggérer) ce genre de compromis. Le court métrage reste le lieu idéal pour apprendre et faire des expériences.
Bølger (Grands espaces) a été projeté en compétition internationale.