Breakfast avec De Smet
Entretien avec Thomas Baerten, co-réalisateur de De Smet
Comment avez-vous écrit l’histoire ? L’avez-vous écrite en collaboration avec Wim ?
J’ai écrit les grandes lignes du scénario de mon côté, et pour le porter à l’écran, j’ai contacté Wim Geudens car il avait plus d’expérience en tant que réalisateur et je n’étais pas sûr de mener à bien un tel projet à moi tout seul.
Qu’est-ce qui vous a inspiré pour créer ces trois frères au look très similaire ?
Dans la petite ville flamande où habite ma sœur, il y a trois sœurs célibataires qui vivent ensemble, un peu comme les personnages du film : quand l’une d’elle va faire les courses, elle fait les courses pour trois, par exemple. Quand on m’en a parlé, j’ai trouvé ça un peu déprimant, mais en même temps, j’ai trouvé génial qu’elles aient trouvé un modus vivendi, et c’est cette idée-là que j’ai reprise dans mon projet de film.
Oui, mais il s’agissait de trois femmes. Pourquoi avoir choisi trois hommes au final ?
Si une femme se retrouve toute seule, elle se débrouille, elle sait tout faire, mais un homme qui se retrouve seul, il est désespéré car la majorité des hommes sont incapables de faire la cuisine ou le ménage, donc avec trois frères, il y en a un qui fait la cuisine, l’autre le ménage… c’est plus marrant, je trouve.
L’entente et le rythme plan-plan des trois frères basculent le jour où une nouvelle locataire s’installe en face de leurs maisons… Ont-ils peur des femmes ? Ou peur d’être séparés ?
Je pense qu’ils ont renoncé aux femmes, sauf celui qui tombe amoureux, lui a gardé espoir de se marier peut-être un jour, mais pour les deux autres, c’est cuit. Ils ont été célibataires toute leur vie. Dans le film, il n’y a pas de femmes, ni en ville, ni dans le bar, c’est donc un choc pour tout le monde de voir une femme débarquer.
Leur passion, c’est de jouer aux cartes. Ils sont même champions dans ce domaine. Doit-on y voir une touche autobiographique ?
Pas vraiment. En Flandres, on aime bien jouer aux cartes. « Ganache » n’existe pas. Avec un jeu tactique, le public ne suivrait pas.
Certes, il est courant de jouer aux cartes, mais ici, l’ambiance est particulière. Il y a des supporters et les compétitions se passent dans un bar avec trophées et beuveries à la clé.
Je joue au foot en Belgique, et chaque année, notre club organise un tournoi de cartes. Le jour de la finale, tout le monde s’attroupe autour de la table pour regarder les joueurs. Ça m’étonnera toujours de voir que ça intéresse des gens de regarder d’autres personnes jouer aux cartes.
La structure du film est précise au millimètre et quasi symétrique. L’avez-vous structuré à l’image des personnages ?
Les mecs du film vivent selon un système bien rôdé qu’ils ont mis en place. On a tenté de l’incorporer dans chaque scène du film, de montrer ce qu’ils font, ce qu’ils disent, mais cela transparaît aussi dans les images : elles sont presque trop réalistes pour être vraies. Ce sont des images très stylées.
Parlez-nous un peu plus de cette esthétique extrêmement composée…
Pour les images, c’est un mélange de Wes Anderson et Roy Andersson. Surtout Wes Anderson, qui utilise beaucoup de plans en plongée, qui rappellent des tableaux où chaque détail est pensé. On a choisi ce style pour notre film. Et aussi le style tout en longueurs de Roy Andersson, pour exprimer l’ennui qui règne sur leur vie. Il est difficile de bien doser les longueurs car il faut faire ressentir cet ennui mais donner des détails à travers l’image pour continuer à intéresser le spectateur.
Les trois frères vivent chacun dans leurs maisons respectives, rangées côte à côte. Ces maisons existent-elles vraiment ? Cela semble surréaliste…
Il en existe une. On a d’abord cherché trois maisons, et on a trouvé, mais comme le plan devait être très serré, il aurait fallu, avec un objectif normal et non un grand-angle, reculer d’au moins 50 mètres et ça n’allait pas. On a fini par filmer une seule maison que l’on a reproduite en post-production.
Avez-vous des projets ? Court ou long métrage ?
On va se lancer dans une série télé sur De Smet, six ou sept épisodes. Wim s’est lancé dans l’écriture de deux longs métrages et de mon côté, j’écris un scénario pour un autre film, donc on a du pain sur la planche ! (rires)