Breakfast avec Rhapsody
Entretien avec Constance Meyer, réalisatrice de Rhapsody
Pourquoi étiez-vous intéressée par les relations intergénérationnelles et le lien qui se tisse entre ce senior baby-sitter et le bébé qu’il a à garder ?
Ce qui m’intéressait à l’origine était de filmer quelque chose de très sensuel, pendant cette vague de chaleur qui a frappé Paris en juillet dernier. Je voulais montrer le corps massif de Depardieu et celui petit et fragile de l’enfant. Mais ce que je trouvais le plus intéressant à explorer, c’était l’inversion qui pouvait s’opérer : Gérard, dans le film, est bien plus vulnérable que l’enfant. C’est comme si c’était l’enfant qui prenait soin de lui.
Pourquoi étiez-vous intéressée par le personnage du baby-sitter même, par ses questionnements, par sa sincère volonté d’être utile aux autres ?
J’avais envie de créer un personnage confronté à la solitude, qui vit dans son monde, tout en haut d’une tour. Les seules incursions du « réel » sont l’enfant et l’homme du bar, mais aussi les sons qui proviennent de l’extérieur, les points de vue sur l’esplanade.
Comment avez-vous procédé au casting de vos personnages ?
Je pensais à Depardieu dès l’écriture du scénario. Quant au bébé, j’en ai « rencontré » quelques uns, et c’est Arsène (le bébé du film) qui s’est imposé de lui-même. C’est le neveu de ma chef costumière, je l’ai vu et j’ai su tout de suite qu’il serait parfait avec Gérard. Je cherchais une sorte de mini-Depardieu.
Pourquoi avez-vous choisi de donner si peu d’informations sur le passé de votre personnage principal ?
C’était une volonté de ma part de laisser le passé et la psychologie de mes personnages de côté. Je voulais faire un film où chaque instant est vécu à travers ce que l’on voit, ce que l’on ressent. C’est un film plutôt contemplatif où les explications appartiennent à chaque spectateur. Chacun aura certainement sa propre interprétation, son propre ressenti.
Pourquoi avoir situé votre action à la ville plutôt qu’à la campagne ?
L’univers urbain me parle. J’aime beaucoup l’architecture, le béton, les tours, le vertical et l’horizontal qui se côtoient dans ce quartier des Olympiades. J’ai voulu que les décors parlent autant que les personnages.
Avez-vous écrit Rhapsody comme un fragment de vie, un bref coup d’œil sur le quotidien de ce personnage, ou était-il dans votre esprit une partie d’un tout plus grand, incluant un « avant » et un « après » ?
Rhapsody est un fragment de vie. On peut le voir à la fois comme un fragment très furtif, « individuel » mais aussi comme un conte, quelque chose de plus universel.
On parle souvent de la peur de l’inconnu. Mais pensez-vous qu’il existe une peur de l’isolement ? Peut-elle être plus angoissante que l’inconnu ?
Oui, bien sûr, la peur de l’isolement, de la solitude. C’est quelque chose, je crois, de très répandu aujourd’hui. J’ai l’impression que la peur de l’inconnu et la peur de la solitude sont assez similaires, disons qu’elle proviennent sûrement du même endroit : on a besoin de l’Autre, du contact avec l’autre.
Pensez-vous que le court métrage soit un bon outil pour questionner la cellule « familiale » et la « méga » cellule sociétale ?
Pour moi, un film, qu’il soit court ou long, est avant tout une exploration ou une tentative artistique, mais il est bien évidemment aussi un outil privilégié pour aborder des sujets ou des thèmes tels que la famille ou le rapport à la société.
Rhapsody a été réalisé avec une production, une coproduction ou en auto-production française. Avez-vous écrit ce film en considérant cet aspect « français » : rattaché des références cinématographiques, construit un contexte spécifique (dans une région par exemple) ou intégré des notions caractéristiquement françaises ?
Oui, lorsque j’écris et que je conçois un film, je suis très attachée à l’ancrage géographique, aux décors, au climat, au langage utilisé. Pour Rhapsody, j’ai tout de suite ancrél’histoire dans un quartier urbain, moderne, avec ces tours, en plein été. Ce film aurait été très différent s’il avait été tourné en plein hiver à la campagne, ou au bord de la mer.
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Pour voir Rhapsody, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F10.