Breakfast avec Yúl et le serpent
Entretien avec Gabriel Harel, réalisateur de Yúl et le serpent
Comment vous est venue l’idée de réaliser Yúl et le serpent ?
Yúl est le Serpent est inspiré de ma jeunesse, dans les Alpes du Sud. Ce n’est pas tiré directement d’une histoire vécue, mais de tout un environnement : des jeunes qui font les voyous, la drogue, les pitbulls, la techno, le manque de filles…
Mais c’est surtout inspiré de relations entre les jeunes. J’ai vécu toute ma jeunesse avec mes amis que je considère comme des frères. On était tout le temps ensemble, on ne se lâchait pas. Quand je me suis éloigné, j’ai commencé à faire des cauchemars assez violents. Ils étaient là, il y avait aussi des créatures fantastiques psychédéliques.
Le film est inspiré de ces cauchemars et de ces relations entre les jeunes de différentes générations : les jeunes de 20 ans, leurs petits frères de 16 ans et les pré-ados de 13/14 ans qui commencent à faire les mêmes conneries que leurs grands frères.
Pourquoi avoir choisi ce prénom, Yúl ?
Lorsque j’ai commencé à écrire j’imaginais que ces deux frères étaient gitans. Dans mon village, certaines familles avaient des liens gitans et un groupe de Gitans passaient tous les ans s’installer pour l’été. Yúl est exclu puis humilié, je m’étais posé la question « qui est le plus exclu et humilié autour de moi ? » : les Roms ou les Gitans.
C’est bien plus tard que j’ai réalisé que Yul Brynner a joué Le Serpent. Magnifique, c’est peut-être inconscient. En tout cas, j’avais tapé juste.
Pourquoi avoir choisi un serpent comme compagnon d’aventure (ou de mésaventure) ?
Le serpent m’est apparu lors d’une prise d’acide dans une rave techno lorsque j’avais 19 ans. Puis ça m’est resté, j’en ai fait des cauchemars. Le serpent est toujours présent dans les rituels shamaniques, que je connais très peu, mais j’ai ressenti personnellement l’effet du serpent qui apparaît comme un guide maléfique, qui prévient de la mort ou du danger.
Bref, outre ces références très symboliques, non maîtrisées et psychédéliques, j’ai choisi un serpent pour accompagné Yúl dans sa quête car c’est un animal fascinant qui inspire le mal, qui est effrayant. Le serpent aide Yúl à vaincre sa peur, il l’aide, mais il le pousse à se venger, il le guide dans la colère et la violence, il le pousse à tuer Mike. Quelque part, il aura aidé Yúl à sauver son frère, mais il le pousse aussi dans une rage violente et furieuse.
Voilà pourquoi l’animal compagnon n’est pas un gros chat. Ou un beau cheval.
Auriez-vous pu faire le même film sur un tournage avec des acteurs réels ? Pourquoi avoir opté pour l’animation et pourquoi le dessin ?
Une chose est sûre, je n’aurais pas fait le même film. Et la question ne se pose pas comme ça. Est-ce qu’on le demande à un artiste peintre s’il aurait pu faire une installation plutôt qu’une peinture ? Je dessine depuis longtemps, j’ai imaginé cette histoire en animation, pas en live.
Pourquoi avez-vous choisi de créer un univers très blanc, un peu gris, mais avec très peu d’éléments colorés ?
Le noir et blanc pour dramatiser. Les couleurs des paysages, ce n’étaient pas le sujet. La couleur du serpent pour l’aspect psychédélique et fantastique.
On ne voit pas d’adultes dans Yúl et le serpent. Où sont-ils, selon vous ?
Si, il y a un adulte. Mike est adulte, il a plus de 25 ans. C’est justement un thème social important pour moi. Car j’ai posé 3 personnages garçons :
– le petit frère : Yúl, 13 ans
– le grand frère : Dino, 17 ans
– l’adulte : Mike, 25/30ans.
Le petit frère prend exemple sur grand frère et son grand frère sur Mike. Mike est resté dans le village, il n’a donc pas de travail puisqu’il n’y a plus ou peu de travail pour les jeunes au village ou dans les environs. Donc il fait des conneries, du petit trafic, il traîne avec les jeunes ados. Et ces jeunes l’imitent pour grandir.
C’est un phénomène que j’ai constaté et vécu avec certains jeunes de mon village.
Pensez-vous que le court métrage soit un bon outil pour questionner la cellule « familiale » et la « méga » cellule sociale ?
Je ne suis pas sûr de comprendre cette question. Et sinon pourquoi il ne le serait pas ?
Yúl et le serpent a été réalisé avec une production, une coproduction ou en auto-production française. Avez-vous écrit ce film en considérant cet aspect « français » : rattaché des références cinématographiques, construit un contexte spécifique (dans une région par exemple) ou intégré des notions caractéristiquement françaises ?
Vu que le film est inspiré de ma jeunesse dans les Alpes du Sud, je suppose que le film est plein de références de codes culturels ou d’expressions françaises. C’est une histoire qui se passe en France avec des jeunes de cette Région (des acteurs français) donc oui, c’est un contexte bien français. Mais si le film part de ce contexte précis, rural du sud de la France, il évoque des sujets bien plus universels comme le lien entre deux jeunes frères, le dépassement de soi, de ses peurs par la colère et la violence…
Le film Yúl et le Serpent sera diffusé prochainement au :
GLAS Animation Festival (Californie)
Festival du Film d’Aubagne
Festival Ciné-Jeune de l’Aisne
Landshut Short Film Festival
GO SHORT Film Festival
Stuttgart Festival of Animated
International Film Festival of Lanzarote
Festival du cinéma européen de Lille
au Chile Monos festival
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Yúl et le Serpent, était diffusé aux séances de la compétition nationale F9 et dans le programme Scolaire.