Dîner avec Ce n’est qu’après
Entretien avec Vincent Pouplard, réalisateur de Ce n’est qu’après
En vous lançant dans la réalisation de ce film, aviez-vous envie de travailler avec de jeunes adultes en particulier ou l’âge des témoins est-il seulement la conséquence de la thématique qui vous intéressait ou de votre approche dans le traitement de cette thématique ?
J’avais envie de travailler avec de jeunes adultes, de jeunes gens marqué.e.s par des difficultés et faisant preuve d’une maturité dont on les croit rarement capables. Depuis des années, je travaille avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse ou de l’aide sociale à l’enfance dans le cadre d’ateliers de cinéma. J’ai rencontré bon nombre de jeunes comme eux, à qui l’on prête généralement peu de capacités créatives et qui souffrent d’un manque d’espace pour exprimer la complexité de leurs parcours et de leur rapport au monde. Le plus souvent, leur parole est associée à des articles ou des reportages à sensation, les voix sont transformées, les visages sont floutés… ils sont comme désincarnés par les médias, comme s’ils n’existaient pas vraiment. Aller contre ce constat est l’un des moteurs de ce film.
Pourquoi ne vouliez-vous pas donner à entendre et questionner les causes ayant entraîné la détresse constatée pour chacun des témoins ?
Parce que relater la violence catégorise des personnages trop vite à mon goût. C’est « spectaculaire » et ce spectacle aurait fait barrière ou écran par rapport à ce que je voulais que ce film raconte. Notre oreille s’arrête à ce genre d’informations et ne prête que peu d’attention à ce qui suit. Leur mutation, l’état suspendu dans lequel ils et elles sont n’aurait pas été au centre du film. C’est une manière de placer l’attention sur ce qu’ils disent et non sur ce qu’ils ont subi ou fait subir. Et ainsi de dépasser certaines idées reçues.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans la relation à l’empreinte et aux moules ?
Ce n’est qu’après est un film où quatre adolescents se racontent, un « film-empreinte » de leurs identités en construction. Je leur ai proposé de faire une expérience avec moi et de chercher à dire qui ils sont. Le rendu « plastique » de l’expérience m’intéressait évidemment, je l’avais testé par le passé. Mais c’est davantage le côté introspectif de l’expérience qui m’importait. Pendant 45 minutes environ, ils ont été coupés du monde, ils ont plongé en eux et j’ai mené la grande majorité des entretiens sonores juste après le « démoulage ». Je me suis servi de cette expérience comme d’un tremplin vers la récolte sonore, un moyen d’accéder à eux intimement.
Pourquoi avez-vous choisi de faire figurer ces séquences de marche des témoins, seuls à l’écran et de dos ?
L’idée est en fait assez simple : proposer un contrechamp aux séquences de prise d’empreinte. Figurer mentalement ce qu’ils traversent et retarder au maximum la révélation de leurs visages et leur « naissance » à l’écran.
Envisagez-vous de réaliser d’autres films autour de la fin de l’adolescence ?
Oui. Je travaille actuellement sur un nouveau film, un long-métrage documentaire dont les protagonistes sont des adolescents qui vivent à Belfast, en Irlande du Nord.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Dans sa relative légèreté de production, le format court permet sans doute de prendre le chemin d’une forme radicale, de tester. Ici, ça a été le cas.
Quelles sont vos œuvres de référence ?
Cette question a toujours été un mystère pour moi. Je me nourris autant de fragments d’œuvres (et pas seulement du cinéma) que de moments de vie.
Pour voir Ce n’est qu’après, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F11.