Breakfast avec Con Sana Alegria (Dans la joie)
Entretien avec Claudia Muñiz, réalisatrice de Con Sana Alegría (Dans la joie)
Pour commencer, pouvez-vous nous dire quelques mots sur le titre de votre film ?
Le titre est un extrait de la chanson d’anniversaire que l’on chante à Cuba « Que lo pases con sana alegría ». C’est ironique de ma part car cela veut dire qu’on vous souhaite une journée pleine de bonheur et de santé. C’est justement ce que Zayda, le personnage principal, va rechercher – un havre de paix, de paix intérieure en réalité. Voilà pourquoi elle entreprend de retrouver sa vie d’avant – celle qu’elle avait avant de devoir s’occuper de sa grand-mère. Malheureusement, parfois, ce havre de paix n’est pas vraiment ce qu’on pensait. Parfois on l’a déjà mais on ne le voit pas.
Les premières scènes du film sont très fortes – ce sont des scènes longues, avec un angle où la grand-mère nous tourne le dos et un chant religieux en fond sonore. Parlez-nous de vos choix artistiques dans ces scènes, de l’impression que vous avez voulu susciter.
Votre question est intéressante. Justement, quand j’ai écrit l’histoire, cette scène n’était pas la première. Le film avait une structure différente, il formait un cycle, un peu comme un thriller. À présent, on dirait plus un film d’épouvante, mais bon, c’est une autre histoire. Toujours est-il que ce n’était pas la scène d’ouverture et nous avons fait plusieurs prises car la scène devait être coupée. Quand on a fait un essai sous cet angle-là, je me suis dit : « Voilà, on la tient, cette scène. » C’était une certitude ! Je ne remercierai jamais assez Héctor David Rosales, le chef-op, qui m’a poussée à choisir cet angle de prise de vue. Il a été parfait comme partenaire, le meilleur de tous. Ensuite, avec Liana Domínguez, la monteuse, nous avons tenté de couper la scène pour avoir plusieurs séquences. J’avais toujours en tête la structure initiale que j’avais choisie dans le scénario, mais ça ne marchait plus. Donc nous avons décidé de mettre cette scène en premier pour constituer une longue et silencieuse entrée en matière, abandonnant la structure de thriller. Le résultat est un film plus fort, moins artificiel, je pense. Parfois ce qui fonctionne sur le papier ne marche pas forcément pour le produit fini.
Quel est le sens des apparitions récurrentes de la mouche ?
La mouche était difficile à caser dans la mise en scène. Ça a fait rigoler l’équipe pendant tout le tournage. C’est un élément important de l’histoire car elle symbolise la capacité de Zayda à prendre des décisions.
Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire l’histoire de Zayda ?
J’ai un projet de long métrage intitulé La Ciudad de las Mujeres Altas (La ville des femmes grandes), c’est une histoire d’amour qui se passe en 1994 à La Havane, pendant le « maleconazo ». Con Sana Alegría a beaucoup de points communs avec ce projet. En fait, il fallait que je me fasse connaître en tant que réalisatrice. Depuis plusieurs années, je travaillais comme scénariste pour les films de Kiki Álvarez, mais je voulais réaliser ce long métrage-là, et il fallait que je fasse mes preuves. J’avais besoin d’un film qui montre mes particularités et mon style en tant que cinéaste. D’abord j’ai pensé faire une bande-annonce pour le long métrage, mais ça n’avait que peu d’intérêt pour moi, et j’ai donc décidé d’écrire une histoire qui ressemblait à celle de Yelena, un des personnages de La Ciudad de las Mujeres Altas. L’intrigue n’a pas grand-chose à voir avec Con Sana Alegría, mais on retrouve chez Zayda certains éléments de l’existence de Yelena. En un sens, mon court métrage est donc l’enfant du long métrage, mais comme c’est un enfant, il a aussi une existence à part entière.
Quels ont été vos coups de cœur au cinéma cette année ?
Figurez-vous que je n’ai pas vu beaucoup de films cette année. Mais il y en a un que j’ai vu de nombreuses fois : Mad Max: Fury Road. Mon fiancé, Pablo Zequeira, qui est aussi le graphiste de Con Sana Alegría, est fan de Mad Max et il regarde ce film presque tous les jours, ou du moins, une ou deux scènes par jour. Il est scénariste de BD et il a eu, je crois, une grande influence sur moi. Il m’a fait découvrir des films d’un autre genre. Cela dit, Mad Max n’est pas mon style de film, bien que j’aime les films d’action. Mais je l’ai tout de suite adoré. C’est un film super. La quasi perfection. J’ai aussi découvert des trésors comme Last Days de Gus Van Sant, un film que j’adore et qui m’a influencée dans ma création. J’ai revu Canine aussi. C’est un classique dont je ne me lasse pas.
Si vous êtes déjà venue, racontez-nous une anecdote vécue au festival de Clermont-Ferrand. Sinon, qu’en attendez-vous ?
Que vous dire ? Tout ça est génial. Je suis enchantée de notre sélection à la compétition internationale. Il y a plein d’excellents courts métrages qui ont été réalisés à Cuba l’an dernier. Je suis étonnée que nous soyons les seuls sélectionnés. J’espère seulement que le public appréciera le film. C’est tout ce que je peux souhaiter.
Plus d’infos sur votre film :
Con Sana Alegría sera projeté au festival du court métrage de Clermont-Ferrand en compétition internationale. D’autres projections en vue ?
Pour l’instant, le film a été montré dans plusieurs festivals du monde entier. Pour l’Amérique Latine, par exemple, il y a eu Curta Cinema à Rio de Janeiro, et le Festival Internacional del Nuevo Cine Latinoamericano de La Habana (La Havane). Ce n’est pas encore officiel mais il y a de bonnes nouvelles en perspective, comme une projection à Paris organisée par Boris Prieto de Vega Alta Films, le distributeur du film. Croisons les doigts !
Est-ce que vous participerez à d’autres événements pendant le festival de Clermont-Ferrand (Expressos, conférences ou autre) ?
Les dates ne sont pas encore fixées, mais en plus des projections du film, il y aura une rencontre avec la presse et peut-être d’autres événements que j’aurai le plaisir de vous annoncer quand j’en saurai plus.
Pour voir Con Sana Alegría, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I7.