Dîner avec Copa-Loca
Entretien avec Christos Massalas, réalisateur de Copa-Loca
Pour commencer, une question qui s’impose : est-ce que ce lieu existe ? Si non, qu’est-ce qui vous a inspiré Copa-Loca ? Pouvez-vous nous parler du lieu du tournage ?
Copa-Loca est une station balnéaire fictive créée à partir de plusieurs lieux que j’ai dénichés dans les environs d’Athènes. Tout a commencé quand je suis tombé sur un parc aquatique désaffecté proche d’une zone industrielle aux abords de la ville. J’ai senti un immense potentiel cinématographique dans cet endroit vidé de son sens initial. En l’absence d’activité humaine, le parc avait des allures de monument, avec ses toboggans qui se dressaient comme de grandes sculptures futuristes. J’avais envie d’exploiter ces lieux et j’ai commencé à imaginer une histoire qui s’y déroulerait. J’ai donc inventé Copa-Loca, une station balnéaire abandonnée dont l’épicentre est le parc aquatique. Et peu à peu, j’ai ajouté des éléments d’autres lieux que j’avais repérés, pour finalement créer la ville de Copa-Loca.
Est-elle vraiment à l’abandon ou juste en morte saison ?
Dans le film, on voit Copa-Loca à la mi-saison. Ce n’est ni l’été ni l’hiver. Les gens sont habillés chaudement, mais il fait soleil. Tout semble s’être prématurément détérioré, comme par un étrange phénomène chimique. Dans la réalité, le parc aquatique a fermé il y a plusieurs années pour cause de difficultés financières, comme beaucoup d’attractions de ce genre en Grèce. L’instabilité financière du pays a débouché sur un changement culturel dans notre mode de vie. D’un côté, ces grands centres de loisirs ne pouvaient plus être entretenus, et de l’autre côté, ils étaient associés à un mode de vie consumériste qui n’était plus d’actualité, ou plus possible dans les mêmes proportions qu’avant. Et ce n’est pas, je présume, un phénomène propre à la Grèce.
Qui vous a inspiré le personnage de Paulina ? Comment définissez-vous son rôle au sein de la population locale ?
Paulina est un personnage fictif. Bien entendu, lorsqu’on invente un personnage, on l’alimente de ses propres expériences ou de ses observations. Mais la beauté de la fiction, c’est qu’on peut rapprocher des choses qui n’ont à l’origine aucun rapport pour créer de nouveaux contours, de nouveaux personnages. Paulina fait partie des quelques habitants qui vivent encore dans les ruines de la station. Elle est « au cœur de Copa-Loca », elle occupe ce rôle central en tant que pomme de discorde. Elle veut faire plaisir et se faire plaisir, mais elle n’appartient à personne. Elle est en perpétuel mouvement et ne se pose jamais. Et c’est sa façon de maintenir les habitants en éveil, des habitants qui sans cela tomberaient dans une sorte d’hibernation.
Quelle est cette histoire de bananes ?
Les habitants de Copa-Loca se nourrissent de bananes à défaut d’autre chose. Les bananes, c’est bon. Mais à l’écran, elles prennent une valeur symbolique, qu’on le veuille ou non. Ce qui est intéressant avec les bananes, c’est que ce sont des fruits clonés, elles sont donc, pour la plupart, rigoureusement identiques d’un point de vue génétique. D’une certaine façon, elles ont résolu le problème de la reproduction, elles peuvent être dupliquées à l’infini. En revanche, si une banane attrape une maladie, c’est toute la civilisation des bananes qui est vouée à disparaître. Un cas fascinant d’évolution de l’espèce. Mais surtout, les bananes, c’est bon.
Dans quel contexte personnel avez-vous fait ce film ?
Mes films ont toujours un côté personnel bien que ce soient des films de fiction. Au début, il y a l’envie de faire passer un message personnel, quel qu’il soit. D’abord, je ne sais pas trop quel est ce message ou s’il intéressera qui que ce soit. C’est une envie inexplicable. C’est comme si j’éprouvais un sentiment diffus et que je cherchais quelque chose (un lieu, un visage, un personnage) qui parvienne à définir cette notion abstraite. Et le moment où l’on trouve cet élément qui vient fixer les choses, c’est ce qu’on appelle communément « l’inspiration ». C’est là que le personnel s’ouvre sur le fictif. Grâce à cet étrange phénomène qu’est la fiction, le film parle mieux de moi que je ne pourrais le faire avec des mots.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Le court métrage est un format poétique. Il permet d’expérimenter, de s’amuser. Un court métrage s’apparente à une brève rencontre où tout a son importance, chaque petit détail compte, chaque geste, chaque regard, chaque mot prononcé. Tout doit sonner juste même si tout n’est pas justifié. Une vie entière concentrée en quelques situations. Ainsi, quand on travaille sur un court métrage, on sait que l’on doit tirer le maximum de chaque impression – et pour cela, il ne faut pas avoir froid aux yeux. C’est ainsi que je vois les choses. Et cela se retrouve dans la façon de faire un court métrage – du moins la façon dont j’ai fait les miens, avec peu de moyens et un temps de tournage très limité. On dispose de pas grand-chose, si ce n’est d’un fabuleux moment de liberté.
Si vous êtes déjà venu à Clermont-Ferrand, pouvez-vous nous raconter une anecdote sur le festival ? Sinon, quelles sont vos attentes pour cette édition ?
En 2012, je suis venu à Clermont-Ferrand pour participer au forum Euro Connection. Je venais de terminer mes études de cinéma, c’était donc une de mes premières expériences de festival. J’ai adoré participer, rencontrer tous ces réalisateurs et ces passionnés de courts métrages, dont certains sont devenus mes collaborateurs. Et me voilà de retour à Clermont-Ferrand après avoir présenté mes films dans de nombreux festivals et à la veille de ma première expérience de long métrage. C’est un peu comme si la boucle était bouclée. Je suis content de revenir.
Pour voir Copa-Loca, rendez-vous aux séances de la compétition internationale I10.