Dîner avec Café froid
Entretien avec Stéphanie Lansaque et François Leroy, réalisateurs de Café froid
Comment avez-vous conçu l’animation de Café Froid ? Y a-t-il une part de maquettes et/ou des inserts 3D ? Quelles sont les techniques que vous avez employées ?
Café froid mélange la vidéo, la photo et l’animation 2D numérique (After Effects). Nous avons développé des plugins spécifiques pour pouvoir mélanger ces différentes techniques. L’expérimentation technique fait partie intégrante de notre travail.
Dans Café froid, vous donnez à voir comment les espoirs et les envies peuvent être réduits à néant par la nécessité de survie. Aviez-vous en tête la critique d’un système où la survie n’est possible que par la réalisation d’un travail ou est-ce plutôt pour vous une observation du réel ? Y aurait-il d’autres systèmes possibles ?
L’idée de ce film vient avant tout d’une observation du réel. La nécessité de survie mais également l’isolement et la peur sont les facteurs qui poussent notre personnage vers des extrêmes. Plutôt qu’un facteur particulier, c’est l’accumulation qui devient insupportable.
Votre film laisse la place à deux animaux très particuliers : les fourmis et les souris. Pourquoi avoir choisi de donner à voir des animaux et pourquoi ces espèces animales-ci ?
Malgré sa modernité, Saigon reste une ville tropicale peuplée d’animaux et d’espèces particulièrement invasives comme les rats, les fourmis et les cafards. Ces animaux alimentent de nombreuses phobies sur lesquelles nous nous appuyons. Notre personnage les perçoit comme autant d’intrus dans son espace personnel.
Votre film questionne aussi sur le passage à l’âge adulte, votre personnage principal se retrouvant responsable d’elle-même subitement et devant alors gérer ses peurs et ses doutes. Selon vous, quand cesse-t-on vraiment d’être un enfant ?
Pour nous, il n’y a pas d’un côté l’enfance et de l’autre l’âge adulte. On évolue tout au long de sa vie. En revanche, notre personnage est confronté à un changement trop brutal pour pouvoir s’y adapter.
Dans le film, vous semblez faire référence à Godzilla. Pensez-vous que cet animal géant et saccageur soit plutôt une allégorie d’une Nature aveugle, de l’humanité ou d’une de ses peurs, d’autre chose encore ? Pourquoi vouliez-vous qu’il ait une place dans Café froid ?
Godzilla est un clin d’œil aux films d’horreur. Mais la réalité est bien plus terrifiante qu’un monstre en carton pâte. Cette séquence est d’ailleurs le seul moment où le personnage parvient à dormir !
Avec ce film, nous avons essayé de faire ressentir une angoisse diffuse, sans cristalliser la peur sur une figure symbolique, mais en nous appuyant sur le réel.
Vous placez Café froid, comme vos précédents films, dans un environnement Asiatique. En quoi cet environnement vous inspire-t-il plus que les autres ?
Notre premier voyage au Vietnam en 2002 a été un déclencheur, il nous a donné envie de faire des films. Depuis, nous partageons notre vie entre Paris, Hanoï et Saigon. Le Vietnam fait partie de notre quotidien, nous en avons appris la langue et les coutumes.
Dans la séquence de la souricière, vous créez un effet de hauteur, de dimensions. Comment avez-vous conçu cette séquence ? Avez-vous utilisé des prises de vue réelles comme base de travail ?
Nous travaillons effectivement à partir de prises de vues réelles, sans story-board. Nous avons utilisé beaucoup de vues subjectives, pour être au plus près du personnage et de son ressenti.
Pour ajouter au sentiment de claustration, nous avons joué avec le cadre tout au long du film. À partir de la mort de la mère, le cadre rétrécit progressivement jusqu’à la séquence la plus dramatique.
Dans Café froid, il y a de grands espaces de silence. Pourquoi vouliez-vous faire entendre ce silence et comment avez-vous travaillé le son du film dans son ensemble ?
Le silence n’est jamais total. Tout comme les animaux, les sons de l’extérieur s’infiltrent dans la maison, ne laissant aucun répit à la jeune fille. En revanche, les dialogues sont limités, accentuant la solitude du personnage.
Dans Café froid, vous questionnez aussi le rapport à la violence et le contraste qu’elle crée avec le quotidien. Pourquoi étiez-vous intéressés par cette question et qu’est-ce qui vous a inspirés pour la création de la scène de violence au sein du film ?
Pour nous, cette violence fait partie du quotidien. Si nous essayons de l’éviter, nous y sommes parfois confrontés malgré nous. Notre personnage essaie de la refouler, mais il est rattrapé par ses émotions.
Pensez-vous que le court métrage soit un bon outil pour questionner la cellule familiale et la « méga » cellule sociétale ?
Le court métrage est un excellent outil en général. Il permet d’aborder des sujets, de questionner en toute liberté, en dehors des contraintes commerciales.
Café froid a été réalisé avec une production, une coproduction ou en auto-production française. Quel est, dans ce film ou dans votre cinématographie, le rapport à la France : une façon de « faire » ou de « dire », des références cinématographiques, des valeurs caractéristiquement françaises, etc. ?
Café Froid a été coproduit par Je Suis Bien Content et Arte France.
Le cinéma français est avant tout un espace de liberté. Le système de financement permet une liberté de ton qui attire d’ailleurs les cinéastes du monde entier. Nous voyons l’avenir du cinéma français dans cette diversité.
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Pour voir Café froid, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F2.
Le film sera également projeté dans plusieurs festivals tels que Anima (du 5 au 14 février à Bruxelles), Tricky women (du 2 au 6 mars à Vienne), MECAL (du 9 mars au 3 avril 2016 à Barcelone), Hong Kong International Film Festival (du 21 mars au 04 avril à Hong Kong)…
Plus proches de nous, vous pourrez faire une session de rattrapage à la Cinémathèque Fançaise le lundi 15 février ou à la télévision vendredi 12 février autour de minuit dans l’émission Court-Circuit spéciale Clermont sur Arte.