Dîner avec Le printemps
Entretien avec Clélia Schaeffer, réalisatrice de Le printemps
Comment vous est venue l’inspiration pour Le printemps ?
À l’origine, j’avais le désir de parler de la solitude dans le monde agricole. De ce point de départ est née l’idée de raconter l’histoire de Pierre, un adolescent introverti qui n’arrive pas à communiquer avec les jeunes de son âge. Fils d’agriculteur, il est tiraillé entre une solitude qui le rassure et l’isolement qui en découle. Ce qui m’intéressait de montrer, c’était ce petit pas qu’il va faire vers les autres, ce trajet qui va l’amener à sortir de sa bulle, hors de son monde protégé.
Pourquoi étiez-vous intéressé par la thématique de la confiance, à soi-même, aux autres ?
Je crois que le manque de confiance en soi nourrit la peur de communiquer et de ce fait, peut faire naître un sentiment d’exclusion. Dans le film, Pierre va faire preuve d’un grand courage en allant aborder Maëva, une jeune fille dont il est secrètement amoureux. Bien que malheureuse, cette tentative va le faire grandir.
Et pourquoi avez-vous choisi cette période de l’adolescence comme creuset pour vos personnages ?
L’adolescence est justement une période de mutation et de transition où l’affirmation de soi passe par le regard d’autrui, par un besoin réel de reconnaissance et d’appartenance. L’adolescence est aussi l’âge des premières fois, des expériences extrêmes et des prises de conscience décisives. La découverte de l’autre et l’exploration de son propre désir en font partie. À travers le personnage du cousin, j’ai voulu m’interroger sur le rapport qu’ont les adolescents à la communication, sur la manière dont l’accessibilité et l’instantanéité des outils d’échanges actuels façonnent leurs relations.
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Pourquoi avez-vous créé un contraste si fort entre les deux cousins, l’un extrêmement réservé et l’autre plutôt extraverti ?
De quelques années son aîné, le cousin est un peu comme le miroir inversé de Pierre. Je ne crois pas pour autant qu’il soit extraverti. C’est un jeune homme citadin, un peu sûr de lui et expérimenté en amour. Il exerce une certaine fascination chez Pierre car il agit avec une aisance déconcertante là où Pierre tremble. Par confrontation, la personnalité du cousin va générer d’elle-même des solutions vis-à-vis des problèmes de Pierre. D’un autre côté, à travers ses réactions naïves, Pierre va renvoyer son cousin à la superficialité de son assurance. Les deux personnages sont contrastés mais complémentaires, ils ont en commun les problématiques de leur âge et arrivent à se retrouver sur cette base commune.
Pourquoi étiez-vous intéressé par le fait que le cousin extraverti ne soit qu’un ami de passage, qu’il ne reste pas dans le village ?
Je tenais à ce que le film se déroule sur une courte durée afin que l’impact de la venue du cousin soit plus fort pour Pierre. Ce séjour initiatique est une petite bombe qui va chambouler son monde solitaire. Une fois le cousin reparti, Pierre se sentira prêt pour revenir vers Maëva, mais cette fois-ci, il ira seul et de lui-même.
Pourquoi avoir situé votre action à la campagne plutôt que dans une ville ?
La solitude urbaine a un rapport avec la dissolution de l’individu dans la masse. On peut se sentir isolé en ville sans qu’aucun acte d’exclusion manifeste ne nous y amène. La campagne génère d’autres habitudes dans la manière de se déplacer, de rencontrer les autres. Ce qui m’a intéressé c’est cette contradiction dans le fait que Pierre est entouré de personnes qu’il connaît et qu’il reste pourtant profondément seul. Fils d’agriculteur, il me tenait à cœur que cet adolescent soit épanoui dans le travail qu’il partage avec son père. Il aime l’aider dans les travaux de la ferme et se sent à sa place au milieu du foin et des animaux. D’une certaine manière, une force inconsciente se dégage de sa solitude.
Pensez-vous écrire d’autres films sur le thème des premiers émois amoureux ?
C’est un sujet que j’aimerais aborder, mais d’un autre point de vue. Celui d’une mère assistant à la première passion amoureuse de son fils par exemple…
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Avez-vous écrit Le printemps tel quel ou était-il dans votre esprit une partie d’un tout plus grand, incluant un « avant » et un « après » ?
Je ne l’ai pas écrit en pensant à un format long, mais peut-être que les autres saisons suivront !
Pensez-vous que le court métrage soit un bon outil pour questionner les relations humaines ?
Un court métrage et un long métrage offrent les mêmes outils de mise en scène. La durée du format court impose une dramaturgie plus condensée mais permet tout autant de raconter des histoires. Le langage cinématographique permet de saisir très spontanément des instants de vie, les émotions et les réflexions qui en découlent jaillissent quelques fois rapidement et avec force. J. J. Abrams m’a fait pleurer au bout de 5 minutes avec la séquence d’intro de Star Trek ! Bon après, je pleure facilement…
Le printemps a été réalisé avec une production, une coproduction ou en auto-production française. Avez-vous écrit ce film en considérant cet aspect « français » : rattaché des références cinématographiques, construit un cadre ou un contexte spécifique (dans une région par exemple) ou intégré des notions caractéristiquement françaises ?
L’univers du film est tiré de ma propre expérience et de mon amour pour les paysages bourguignons. Du point de vue du cadre culturel, il se situe en France à n’en pas douter. Une fois cela admis, je pense que le cœur du film reste suffisamment universel pour pouvoir être transposé quasiment tel quel au Japon ou au Mexique, du moins je l’espère !
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Pour voir Le printemps, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F4.