Hommage à Rosto
Rosto le barock
Décapité (Beheaded – 1999) est le titre du premier film de Rosto. Décapité, c’est ainsi qu’il a laissé le monde du court métrage et de l’animation lorsqu’il a eu sa plus mauvaise idée en partant rejoindre, sans billet retour, ses mondes chimériques en mars 2019. Dépité aussi.
Entre ces deux dates, vingt ans se sont écoulés pendant lesquels Rosto a déroulé, pour notre plus grand bonheur, sa panoplie d’homme-orchestre : cinéaste, scénariste, producteur, illustrateur, designer1, acteur, animateur et musicien.
À part le premier, tous ses films ont été présentés à Clermont et Rosto est ainsi devenu une figure2 familière. Faut dire que lui comme ses films avaient de la gueule…
Son travail a souvent été associé au cauchemar, Rosto parlait plus facilement de rêve. À coup sûr une œuvre baroque caractérisée, comme pour l’architecture du même nom, par une liberté de formes et une profusion d’ornements. Des synonymes de baroque nous donnent biscornu, étrange, excentrique. Tout cela lui va comme un gant, un gant de boxe bien sûr car on sortait sonné de chaque projection de ses films. Groggy, pas loin du protocole commotion. Voir un film de Rosto, c’est se laisser embarquer par une bande de naufrageurs (Thee Wreckers3) sur et dans un océan de souvenirs et de mystères laissant la salle pareille à un radeau de médusés.
Les eaux profondes de Rosto sont aussi là pour nous rappeler, à l’instar d’autres cinéastes néerlandais (Paul Driessen, Michael Dudok de Wit, Bert Haanstra…), que l’élément eau, source de vie dès le ventre de la mère, est aussi une menace de mort pour toute âme qui vit au-dessous du niveau de la mer comme c’est le cas aux Pays-Bas, les bien-nommés. Une menace fantôme voire un trauma… la mort omniprésente chez Rosto. Mais la mort, c’est poser la question de la vie et Rosto l’a posée dans une spirale qu’elle soit trilogique ou tétralogique à travers des constructions filmiques qui ne s’appuient pas sur une ossature narrative forte mais sur le rock et les effets visuels. Comme par hasard, deux prix4 obtenus dans ces catégories à Clermont.
Après l’heure de la séparation (Splintertime), nous voilà, nous, tas d’os encore ambulants mais esseulés (Lonely bones), condamnés à perpète à des rediffusions (Reruns) de ses films, frustrés à jamais des œuvres qu’il avait encore à nous offrir.
Antoine Lopez
Septembre 2019
- Rosto a posé sa marque graphique sur le festival 2007 en réalisant son affiche. Il a été, également cette année-là, membre du jury Labo.
- Figure se dit rosto en portugais.
- Le nom du groupe de rock de Rosto.
- Prix de la meilleure musique originale pour The Monster of Nix en 2012 et prix des effets visuels pour Reruns en 2018.