Lunch avec Maximum moderne
Entretien avec Edmond Carrère, réalisateur de Maximum moderne
Avez-vous un goût pour l’astronomie qui vous a inspiré pour Maximum moderne ou l’espace de l’observatoire astronomique est-il arrivé par nécessité scénaristique ?
Je n’avais pas un goût particulier pour l’astronomie mais plutôt un intérêt pour ce lieu. C’est un peu cliché de dire ça, mais dès le début de l’écriture nous avions envisagé ce lieu comme un personnage du film. L’observatoire est une antenne qui reçoit les nouvelles du monde et les renvoie. C’est un lieu qui permet de prévoir les catastrophes météorologiques, d’observer le ciel et le soleil. Cette montagne symbolise le désir de s’éloigner du monde, le désir de voir loin. Avec sa forme rappelant les pyramides égyptiennes, elle est pour moi porteuse d’imaginaire et de mythe, et me semblait parfaite pour accueillir l’histoire de la fin d’un monde.
Comment avez-vous construit ce personnage et qu’est-ce qui vous intéressait dans sa mise en marge par rapport au groupe de collègues ?
Dès le départ, nous avions en tête de dresser le portrait d’un prophète des temps modernes, tout droit sorti d’une bande dessinée. Sa présence, son errance révélant les dysfonctionnements du monde du travail et plus largement de la société tout entière. L’histoire de Philippe interroge notre rapport à la prise de parole et comment celle-ci est considérée ou non dans un groupe. Le personnage n’est pas écouté, hors du monde, loin de la société du spectacle qui sévit autour de lui. Il porte en lui une connaissance que personne ne veut entendre, pour autant il n’a aucune amertume vis à vis de son auditoire. Il s’éloigne doucement et se réjouit avec ambiguïté de cette fin supposée. Bien sûr il ne s’agit pas d’un film politique mais il y a pour moi une résonance évidente avec les préoccupations de la communauté scientifique qui nous alerte et questionne nos choix de société. Dans Maximum moderne, personne ne voit la catastrophe arriver et nous jouons justement sur cette ambiguïté : cet évènement va-t-il avoir lieu ? C’est toute la question. Il semble impossible pour nous d’envisager un effondrement avant d’en subir les conséquences. Aujourd’hui, difficile de ne pas également revenir sur notre actualité. Il y a presque un an, comment aurait-on pu imaginer qu’un virus stopperait net l’économie mondiale ? Et pourtant…
Pourquoi vouliez-vous explorer le plaisir que ressent le personnage à l’idée d’une éruption solaire fatale ?
Ce plaisir coupable nous a permis de construire le film et sa dramaturgie. L’ambivalence, posée comme postulat de base, nous semblait porteuse de récit et de réflexions et permettait plusieurs lectures possibles. Pour moi faire des films c’est une question de désir avant tout, et je crois que l’on éprouve beaucoup de désir quand on explore profondément un sujet. Je crois que nous sommes nombreux comme Philippe à prendre ce plaisir à découvrir et avancer dans nos sujets d’études et de recherche jusqu’à s’y perdre, jusqu’à oublier le monde qui nous entoure. Un plaisir qui nous enferme aussi dans une forme d’autisme, jusqu’au burn out. L’éruption solaire qu’observe Philippe pourrait aussi se percevoir comme une éruption intérieure, une brûlure intérieure. Peut-être est-ce aussi un plaisir salvateur, un dernier rire pour échapper au monde. Mais d’un point de vue cinématographique, m’interroger sur ce plaisir, c’était une façon de questionner le genre du film. La joie de Philippe, il me semble que c’est une joie coupable que partagent les auteurs et les spectateurs de films catastrophes, celle de voir la fin du monde et seul le cinéma peut nous l’offrir.
Y a-t-il une suite à Maximum moderne ?
Il n’y a rien après la fin du monde ! Par contre nous pourrions imaginer non pas une suite mais des épisodes qui se passeraient au même moment. Comment serait vécue la fin du monde pour d’autres personnes ?
Comment avez-vous rencontré les acteurs ?
Philippe Rebbot, c’est par l’intermédiaire de la productrice Gaëlle Ruffier qui avait déjà tourné un film avec lui. Pour Eddy Letexier et Julien Sabatié Ancora c’était par l’intermédiaire de Valérie Pangrazzi qui est directrice de casting à Toulouse. Pour Sélène Assaf, Loïc Varanguien de Villepin, Coline Lubin et François Fehner ce sont des personnes que j’ai découvert dans le milieu du spectacle vivant que je fréquente également. Les figurants et figurantes sont les copains et copines.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Pour moi, il devrait retrouver sa place dans les salles de cinéma. J’ai toujours beaucoup de plaisir à découvrir des courts métrages au hasard d’une projection.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Sculpture sur bois, poterie, chant… L’ennui il faut peut-être l’accepter…
Pour voir Maximum moderne, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F10.