Goûter avec Fabrichnaya etnografiya (Ethnographie industrielle)
Entretien avec Anastasiia Ksenofontova, réalisatrice de Fabrichnaya etnografiya (Ethnographie industrielle)
Fabrichnaya etnografiya montre l’invisible et l’inconnu : la vie quotidienne d’ouvriers dans une usine en Russie. Comment avez-vous été amenée à faire un documentaire sur ce sujet ?
C’est très simple, l’occasion s’est présentée.
Comment avez-vous décidé quelles images utiliser pour illustrer le thème du film ?
Pour le tournage, je disposais de quatre jours. Les deux premiers jours, je me suis promenée dans l’usine à la recherche de mon protagoniste. Je discutais avec les ouvriers ; je m’asseyais au même endroit pendant une demi-heure à observer, en examinant toutes ces textiles et imprimés. Et le matin du troisième jour, j’ai ressenti très clairement que le héros n’était autre que l’usine elle-même, sa beauté. C’est alors que ces cadres, avec cette beauté, se sont imposés au final dans le film.
Les ouvriers apparaissent à la fin du documentaire, tandis que les premières minutes se concentrent sur l’univers mécanique de l’usine, les machines, un monde en apparence déshumanisé. Pouvez-vous nous dire quelques mots de cet aspect ?
C’est une symbiose très étrange entre l’homme et la machine. On dirait que le travail mécanique de l’homme au sein de l’usine est un ballet artificiel, que les hommes vont et viennent d’un point à l’autre pour des raisons compréhensibles à eux seuls. Parfois, on pourrait croire que l’usine existe par elle-même et qu’elle fonctionne toute seule, entre grincements, souffles et délabrement, mais non. Derrière toutes ces machines, il y a des hommes pour s’en occuper. Ils les connaissent par cœur, ils réparent celles qui semblent irréparables. C’est pour ça que ne pas montrer, à la fin de la journée de travail, les ouvriers quittant l’usine, ça n’aurait pas été exact.
La relation entre le passé et le présent est-elle importante pour vous dans le film ?
Pour moi, ce qui est important c’est l’intemporalité.
Comment espérez-vous que le public va régir au film ?
J’espère qu’ils ne vont pas penser que la Russie est un pays du tiers monde (même si chez nous, des choses de ce genre – des usines, des villes ou des jardins semi-désaffectés, ne manquent pas). Le film n’est pas sur des méthodes de travail du passé. Il n’y a pas de message. C’est un film sur la beauté.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Je n’ai jamais bien compris les fictions au format court métrage. Pour les films documentaires, le court est un format formidable. Il y a souvent des histoires qui tiennent entre 10 et 30 minutes, et qui à partir de 40 minutes deviendraient pesantes à regarder. En particulier pour un spectateur non averti, pour qui il n’est pas évident de regarder des compositions où « il ne se passe rien ». C’est pour ça que le format court est particulièrement bien adapté pour populariser des documentaires auprès du grand public.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
L’auto-formation (est-ce un plaisir culturel ? pour moi oui, je travaille dans la sphère de la culture) : courts en ligne, articles, livres.
Pour voir Fabrichnaya etnografiya (Ethnographie industrielle), rendez-vous aux séances de la compétition internationale I8.