Goûter avec Jason Krist
Entretien avec Matthieu Vigneau, réalisateur de Jason Krist
Comment avez-vous eu l’idée de tourner Jason Krist ?
Au début, je n’avais que Jason, un jeune SDF qui vit dans sa voiture comme il en existe beaucoup. Puis une disparition de jeune femme. Ce n’est qu’ensuite que la figure christique est venue. Il fallait qu’il paye pour les autres et puis le fait qu’une éventuelle réincarnation d’un fils de Dieu fasse des faux papiers pour trouver un logement me fait rire.
Pourquoi avez-vous choisi d’alterner phases de réalisme avec phases mystiques ?
Ça me semblait intéressant, j’avais envie d’essayer. Et puis le plaisir de la construction, du trompe-l’œil. Pour la scène où Jason marche sur l’eau comme pour les stigmates aux mains, j’ai cherché des solutions, des possibilités, du bricolage.
Pourquoi avez-vous choisi de donner si peu d’informations sur le passé de votre personnage principal ?
C’est une journée dans la vie d’un jeune SDF. Je ne voulais pas de compassion inutile. Le spectateur peut presque juger Jason comme on peut le faire juste en croisant une personne dans la rue.
Avez-vous écrit Jason Krist tel quel ou était-il dans votre esprit une partie d’un tout plus grand, incluant un « avant » et un « après » ?
Il y avait effectivement plus de scènes sur le scénario. Je n’ai pas pu tourner correctement l’intégralité du script. Mon film est une autoproduction dont le budget équivaut au prix d’une bonne mobylette d’occasion. Le film fut créé au montage.
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Pourquoi avoir choisi de placer Jason Krist dans un cadre proche de la Nature plutôt que dans une grande ville ?
J’ai pris le cadre dans lequel je vis. Tous les décors du film sont dans un rayon de dix kilomètres autour de chez moi. C’est un choix aussi bien esthétique que pratique. Et puis, on ne parle pas beaucoup de la souffrance rurale, la majorité des SDF survivant dans les villes.
Dans Jason Krist, vous donnez à voir comment une personne peut facilement se retrouver « en dehors » du système et entrer dans un cercle vicieux qui ne lui permet jamais de « réintégrer » ce système. Comment avez-vous travaillé cette question ? Avez-vous entrepris des recherches sur des situations réelles ?
Le simple fait de regarder, d’écouter les gens qui nous entourent au quotidien m’apprend beaucoup. Il m’est déjà arrivé de trafiquer les fiches de paye d’un ami, de gonfler son salaire pour qu’il puisse trouver un logement. C’est le monde dans lequel nous sommes. Des gens qui bossent doivent mentir, tricher pour se loger.
On parle souvent de la peur de l’inconnu. Mais pensez-vous qu’il existe une peur de l’isolement ? Peut-elle être plus angoissante que l’inconnu ?
Je ne sais pas mais la peur de l’inconnu fonctionne jusqu’à ce que l’on découvre l’inconnu. Découvrir l’isolement ne l’efface pas.
Pensez-vous que, de manière générale, les groupes humains aient besoin de trouver une adversité contre laquelle se construire ?
Non, certains ont la chance de vivre paisiblement leur existence.
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Dans Jason Krist, vous questionnez la relation à l’étranger. En effet, l’étranger, comme la différence, peut être victime de moqueries et d’agressivité, voire de rejet. Pourquoi étiez-vous intéressé par cette relation ? Et pensez-vous que la fuite soit une solution préférable à la revendication ?
Je pense que le simple fait de traiter un sujet ou un autre est une revendication.
Pensez-vous que certains individus soient choisis par les « groupes » humains comme des « expiateurs », des agneaux de Dieu, qui enlèvent le péché du Monde et nous donnent la Paix ?
Malheureusement, je pense que ça existe encore, aujourd’hui, à travers le monde.
Dans Jason Krist, vous questionnez la nécessité d’obtenir des réponses et donnez à voir le risque engendré par cette nécessité, qui est bien sûr d’accuser des innocents. Pourquoi vouliez-vous remettre en question cette nécessité ?
C’est récurrent au cinéma, que ce soit une comédie comme Le grand blond avec une chaussure noire ou un thriller comme Gone Girl, des innocents sont accusés. C’est un thème que j’apprécie.
Pensez-vous que le court métrage soit un bon outil pour questionner les relations humaines et la « méga » cellule sociétale ?
Le court métrage est effectivement un très bon outil pour traiter des sujets de société. On peut le voir à travers la sélection de Clermont-Ferrand. Le cinéma, peu importe son genre, est toujours en lien avec notre réalité sociétale.
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Pour voir Jason Krist, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F3.