Goûter avec Tombés du nid
Entretien avec Loïc Espuche, réalisateur de Tombés du nid
Comment vous est venue l’idée d’écrire Tombés du nid ?
Il y a un an et demi, on a croisé une cane et ses canetons avec mon pote Adrien Fromenteil. On était en train de remonter les escaliers de la cité de la BD à Angoulême. Les canetons étaient bloqués dans un carré d’herbes sèches, un peu comme dans le film. Il faisait hyper chaud, y avait pas d’eau. On s’est dit qu’ils allaient mourir de soif. Pour les sauver, on a décidé de faire peur à la mère pour qu’elle s’enfuie jusqu’à la rivière, suivie de ses petits. En mode super-héros quoi. Sauf qu’elle s’est envolée et que les petits canetons se sont retrouvés tout seuls. Là on a grave culpabilisé. Et du coup on a mis deux jours à tous les ramener à leur mère en bas.
Après je me suis dis que c’était tripant comme histoire et que ça ferait une bonne base pour mon film de fin d’études.
Comment avez-vous pensé le phrasé et l’accent de vos deux personnages principaux ?
J’ai juste essayé d’écrire les dialogues normalement, comme on se parle quand je suis avec mes potes.
Après on a modifié certains mots avec les acteurs Théo Costa-Marini et Noé Mercier pour que ça sonne nature dans leur bouche : j’ai un vocabulaire plus de Lyon et eux ont plus des mots de Paris.
Tombés du nid aurait-il pu se passer à la campagne ? Pourquoi avez-vous choisi ce cadre urbain et champêtre à la fois pour placer l’action du film ?
Le décor est inspiré des escaliers de la cité de la bande-dessinée à Angoulême. C’est là qu’on a croisé les canards avec mon pote. Dans le film j’ai rajouté beaucoup d’immeubles par rapport à Angoulême. J’avais besoin que les personnages viennent d’un environnement urbain pour contraster avec le carré d’herbe.
Pour moi ce toit avec de l’herbe c’est un lieu de passage, un endroit ou on est pas censé s’arrêter. Sauf qu’au fur et à mesure de l’histoire les personnages s’y empêtrent. J’aimais bien aussi le côté entre ciel et terre que ce décor permettait d’avoir.
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Comment avez-vous travaillé les couleurs de l’animation ?
D’habitude j’ai beaucoup de mal à mettre mes dessins en couleur : je fais d’abord des traits de contour et après je remplis. Sauf que je trouvais que la couleur et le trait ne se mélangeaient pas complètement ensemble parfois.
Là j’ai donc essayé de penser le dessin en couleur, en aplat pour les masses et ensuite de venir ajouter des traits, pas partout.
Je voulais un graphisme simple, un peu “cassos“ et bancal, comme les personnages.
Avez-vous pensé le film comme tel ou avez-vous envisagé un « avant » et un « après » ? Et un « pourquoi » ?
J’ai pensé le film tel quel. Je voulais me concentrer sur ce moment qui cristallise les enjeux des deux personnages.
Je voulais aussi qu’à la fin le spectateur puisse se dire que leurs aventures vont continuer.
Êtes-vous intéressé par la thématique de l’amitié et pensez-vous faire d’autres films autour de cette thématique ?
Oui l’amitié est une thématique qui m’intéresse. Si j’ai l’occasion de faire d’autres films, je pense qu’elle reviendra, consciemment ou non.
Dans Tombés du nid, quelle place vouliez-vous laisser à la tendresse ?
Je ne me suis pas trop demandé quelle place lui laisser. C’est un équilibre qui est né tout seul pendant l’écriture et les différentes étapes de réalisation du film. Pour moi, c’était important qu’elle soit présente.
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Dans Tombés du nid, vos canetons ne trouvent plus leur maman. Pourquoi étiez-vous intéressé par cette absence ? Selon vous, cesse-t-on d’être un enfant ?
L’absence permettait au personnage de Fabio de s’identifier aux canetons. J’aimais bien que ça fasse ressortir chez lui une blessure profonde qu’il avait un peu enfouie. Ça permettait de le rendre hyper touchant, tendre et un peu ridicule aussi. L’absence de la maman canard c’était aussi un moyen assez cool pour parler d’abandon sans rentrer dans le pathos.
Pour ce qui est de cesser d’être enfant, franchement j’en sais rien. Ca doit dépendre des gens. Pour ma part, c’est pas encore vraiment fini, je crois.
Pensez-vous que le court métrage soit un bon outil pour questionner la cellule « familiale » et la « méga » cellule sociétale ?
Oui.
Tombés du nid a été réalisé avec une production, une coproduction ou en auto-production française. Avez-vous écrit ce film en considérant cet aspect « français » : rattaché des références cinématographiques, construit un contexte spécifique (dans une région par exemple) ou intégré des notions caractéristiquement françaises ?
C’est surtout par le langage que le film est français. C’est pas un français bien parlé mais plus une appropriation actuelle et vivante de la langue.
Pour mes films, je m’inspire aussi pas mal de mon vécu. Comme j’ai toujours habité en France, il y a sûrement d’autres notions françaises qui s’expriment dans le film.
Pour voir Tombés du nid, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F7 ou bien à la séance scolaire pour les plus jeunes.
Le film sera également projeté dans plusieurs festivals tels que Anima (du 5 au 14 février à Bruxelles), le Internationales Trickfilm-Festival in Stuttgart (du 26 avril au 1er mai en Allemagne), La fête de l’anim’ (du 25 au 27 mars à Lille) et au Festival international du cinéma d’animation de Meknès (du 25 au 30 mars au Maroc).