Dîner avec Je vais là-bas aussi
Interview de Antoine Cuevas, réalisateur de Je vais là-bas aussi
Comment avez-vous eu l’inspiration pour Je vais là-bas aussi ?
Le scénario a été écrit pour le concours 5×2, organisé par le GREC, Histoires courtes de France 2 et la cinémathèque de Grenoble. Il s’agit d’écrire une mini-série de 5 épisodes de 2 minutes avec la contrainte d’un lieu unique comme décor. Mon désir était d’écrire une histoire qui se passe dans un refuge de montagne. C’est un lieu ouvert à tous, où chacun peut venir s’y abriter, le temps d’une nuit. C’est un lieu de rencontre.
Que pensez-vous du regard porté sur les étrangers et des questions de légalité et d’illégalité dans le mouvement migratoire ?
J’ai justement eu l’idée du scénario au moment où un groupe d’extrême-droite a créé une barrière humaine dans les Alpes, bloquant l’accès aux exilés. Cette action concrète et symbolique m’a profondément marqué. Le film est le geste inverse, une main tendue, une aide, un accompagnement.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans l’isolement géographique des personnages ?
Après la mer Méditerranée, les Alpes sont comme une deuxième barrière dangereuse pour les exilés. Ils se retrouvent souvent seuls au milieu d’un paysage hostile. Le personnage du montagnard, un peu bourru et méfiant, prend la décision d’accompagner ces trois jeunes hommes, dans un élan et un geste d’accueil. Tous isolés n’ont d’autre choix que de marcher ensemble.
Comment avez-vous rencontré le comédien principal ?
Je cherchais un homme à l’aise avec la montagne, les animaux et les éléments naturels. J’ai été aidé par un réalisateur grenoblois qui, en lisant le scénario, a tout de suite pensé à Alain Manac’h. Il fallait quelqu’un du coin.
Comment avez-vous travaillé les silences dans Je vais là-bas aussi ?
Au milieu de la montagne, les sons étaient très purs. Il fallait justement qu’on se sente isolé avec les personnages. Le temps est presque suspendu. Le silence participe au mystérieux du film et la nuit devient presque inquiétante. Et puis, les hommes ne se parlent pas, il n’y a que des gestes et des regards. Et je voulais que l’unique parole, le titre du film, soit simple et bienveillante.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
On ne connait pas le passé des personnages. On ne sait pas non plus où ils vont. Le format court permet de créer du hors champ, d’ouvrir l’histoire à d’autres possibles, d’imaginer ce qu’il va avenir. Le spectateur a toute la place pour s’y projeter.
Quelles sont vos œuvres de référence ?
Deux œuvres m’ont beaucoup marqué. Le film Fortuna, sur des réfugiés qui cohabitent avec une communauté de religieux dans un monastère isolé dans les Alpes. La bande dessinée Le rapport de Brodeck, de Manu Larcenet, m’a beaucoup inspiré, surtout dans les dessins de la montagne froide et austère.
Pour voir Je vais là-bas aussi, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F12.