Lunch avec Kajaani
Entretien avec Mikael Marignac, réalisateur de Kajaani
Pourquoi avoir appelé le film du nom de la région ?
Kajaani est une petite ville située au milieu de la Finlande. C’est la ville où est née et où a grandi ma mère. J’y ai encore une partie de ma famille. C’est donc aussi l’endroit où j’ai tourné mon premier film. Je trouvais que c’était un beau symbole de nommer mon film Kajaani. C’est à Kajaani, avec Kajaani que tout a commencé. Par ailleurs, j’aime bien l’idée d’un titre qui n’a pas à être traduit. C’est un titre universel.
Y a t-il un parallèle à établir entre la nature et ce que vivent Juho et Anna ?
La Finlande est le pays d’origine des deux personnages, Anna et Juho. La nature y est très présente. Je voulais filmer ces lacs et ces forêts de conifères car j’éprouve un étrange sentiment à chaque fois que je vois ces paysages. J’ai à la fois l’impression d’être sur une autre planète, dans un autre monde et en même temps, je sens que ça fait profondément partie de moi. J’en suis étranger mais ça m’appartient… C’est dans cet état d’esprit-là qu’est Juho durant tout le film, dans cette attraction-répulsion vis-à-vis de son père, vis-à-vis du monde.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous focaliser sur la schizophrénie ?
L’acteur principal qui joue le rôle de Juho dans le film est David, mon frère. Il est infirmier psychiatrique. Je me suis inspiré de ses histoires pour écrire le film. C’est la poésie et la tragédie de cette maladie qui me fascine, je ne saurais expliquer pourquoi… C’est aussi une maladie héréditaire, et l’hérédité, l’héritage, est le sujet du film.
Pourquoi ne voit-on finalement le père qu’à travers un « filtre » (Portable, flashbacks…) ?
Ce film est l’histoire d’une rencontre manquée entre Juho et son père. En même temps, Arvo hante les pensées de Juho. Ces « filtres » (rêves, flashbacks, photos sur le portable, images mentales fantasmées…) rendent le père visible même s’il est absent du présent « diégétique », ce qui permet d’en faire un fantôme.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus de casting ?
Chaque rôle a une histoire de casting différente. Pour le personnage principal, j’ai choisi de prendre David Marignac, mon petit frère. Je voulais un alter-ego, quelqu’un qui puisse comprendre ce sentiment que j’éprouve lorsque je retourne en Finlande, cette mélancolie. De plus, je suis fasciné par ce que dégage son regard, je trouve qu’il apporte beaucoup d’émotions avec très peu de mouvement. Enfin, trouver quelqu’un capable de parler le français et le finnois n’est pas si aisé, alors le fait de l’avoir lui à portée de main a aussi facilité le choix.
Pour le rôle d’Anna, j’ai eu beaucoup de chance de trouver Mikaela. J’avais laissé une annonce sur la page des Finlandais de France sur Facebook et elle m’a envoyé un message. Je l’ai rencontrée et je l’ai trouvée parfaite sur tous les points sauf un seul : dans le scénario, c’était une grande sœur, or, Mikaela a cinq ans de moins que David. Après avoir reconsidéré la chose, je me suis dit que ce serait plus intéressant qu’Anna soit la petite sœur de Juho mais qu’elle se comporte comme la grande sœur. Elle est plus mature que lui bien qu’elle soit plus jeune.
Pour le rôle du père, j’ai eu l’honneur de travailler avec Kari Väänänen, un acteur de renom en Finlande. Il a notamment joué dans plusieurs films d’Aki Kaurismäki comme La Vie de Bohême, Les Leningrad Cowboys ou encore Au loin s’en vont les nuages. Je lui ai proposé le scénario, il l’a lu et a accepté. Il a été très généreux et a apporté toute son expérience sur le tournage, c’était un moment formidable.
Tous les autres acteurs sont des non-professionnels que j’ai casté à Kajaani. J’avais mis une annonce dans les journaux locaux et toutes sortes de personnes ont répondu. Je voulais que les gens à Kajaani parlent avec l’accent de la région, cette authenticité était nécessaire pour moi.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
J’ai eu une liberté totale pour ce film. La seule contrainte étant le budget, très serré. On a dû se débrouiller pour finir le film comme on pouvait. Quand on n’a pas d’argent, on a des idées.
Si vous êtes déjà venu, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ?
Sinon, qu’en attendez-vous ?
C’est la première fois que je viens au Festival de Clermont-Ferrand. J’attends d’y faire de belles rencontres, de discuter avec des réalisateurs, des acteurs, des producteurs des quatre coins du monde. J’espère aussi y voir de beaux films, courageux, audacieux.
Autres diffusions publiques ?
Le film a été diffusé au festival de Pori en novembre 2017, à CineToro en Colombie, à l’occasion d’une carte blanche Maison du Film à Aix-en-Provence ainsi qu’en sélection Courts Métrages Européens au festival Premiers Plans d’Angers 2018.
Pour voir Kajaani, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F10.