Lunch avec Kaksi Ruumista Rannalla (Deux corps nus sur la plage)
Entretien avec Anna Paavilainen, réalisatrice de Kaksi Ruumista Rannalla (Deux corps nus sur la plage)
Qu’est-ce qui vous a inspiré Kaksi Ruumista Rannalla ? Y a-t-il un lien avec les rêves ?
Lors du festival Camerimage 2016, j’ai revu le film Raging Bull, que je n’avais pas vu depuis longtemps, et je me suis demandé en quoi ma vie et mon regard sur la vie seraient différents si l’histoire du cinéma et les grands classiques avaient été écrits par des femmes et sur les femmes – les relations entre sœurs, entre mère et fille, les communautés de femmes, les idoles féminines qui ne sont pas telles qu’on les imagine et vous trahissent, etc. Laura (coscénariste et actrice principale) et moi avons décidé de faire un film sur des personnages secondaires (féminins) qui prennent la parole et expriment leurs doléances dans des situations cinématographiques classiques. Si le cinéma est censé être un rêve partagé que l’on regarde ensemble, qui sont ceux qui construisent nos rêves collectifs ? Et dans quelle mesure ce que l’on voit à l’écran influence-t-il notre vision de la réalité, nous-mêmes, les autres, notre subconscient ? Dans des contextes qui lui sont familiers, nous voulions montrer au spectateur un rêve collectif dans lequel les femmes affirment leurs besoins et leurs imperfections.
Avez-vous construit votre film comme une boucle, un cycle qui se répète ? Pourquoi ?
Les structures reposent sur la répétition. Le changement s’effectue petit à petit. Si vous voulez changez les choses (dans votre vie, dans le monde, etc.), il faut du temps. Vous allez peut-être vous louper la première fois, comme la jeune femme du film, mais la fois suivante, vous serez plus sage car vous aurez acquis de l’expérience.
Avez-vous d’autres projets sur les relations homme-femme ? Ou sur le thème du patriarcat ?
J’ai écrit un monologue de théâtre, Play Rape (2014), sur la question de la représentation de la violence sexuelle sur scène, et j’ai écrit et réalisé un court métrage éponyme (Play Rape, 2019) sur le même sujet. Je parlais déjà des relations homme-femme dans mes travaux antérieurs, ainsi que des schémas patriarcaux, sur le ton de l’humour. Je travaille actuellement sur un long métrage, Kikka, qui parle d’une chanteuse finlandaise érotique des années 1990, une époque qui n’était pas prête pour son « pussy power ». On parle donc bien du regard du patriarcat sur la femme. Je travaille également sur une série télé qui parle des jeunes garçons d’aujourd’hui, de leurs émotions et de la pression autour du sexe.
Comment avez-vous trouvé les acteurs et comment les avez-vous dirigés ?
L’actrice principale, Laura Birn, était avec moi à l’école de théâtre et nous avons écrit le film ensemble. La femme plus âgée, Rea Mauranen, est une actrice finlandaise que j’admire beaucoup et nous avons joué ensemble au théâtre national finlandais, elle jouait le rôle de ma mère. Les autres acteurs sont aussi, pour la plupart, des acteurs connus en Finlande ; ce choix d’acteurs a déjà un sens pour le public finlandais. Ce sont bien sûr tous des acteurs formidables. Tout le monde a donné son maximum. Je leur ai demandé d’avoir énormément d’amour et de bienveillance envers leurs personnages.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées ?
Oui, tout à fait. Le format court me permet de faire dans le surréalisme et de jouer avec les genres.
Quelles sont vos références ?
Pour le scénario : Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Inception, Adaptation. Pour le film : ce court métrage est un mélange de sept genres différents, avec chacun ses références cinématographiques, de Tarkovski à Michael Bay, avec lesquelles mon chef opérateur et moi avons pu nous amuser.
Pardonnez-moi cette question, mais savez-vous qu’en français, votre nom est « pas vilain » ?
Ha ha ! Non, je ne savais pas. Je suis un peu française sur les bords, en fait.
Pour voir Kaksi Ruumista Rannalla (Deux corps nus sur la plage), rendez-vous aux séances du programme L1 de la compétition labo.