Breakfast avec Les heures blanches
Entretien avec Karim Bensalah, réalisateur de Les heures blanches
Avez-vous réalisé beaucoup de courts métrages avant Les heures blanches ? J’ai vu Racine(s) et aussi Le cœur gros que vous avez fait avec Tribudom. Ce sont des travaux collectifs ?
Avant Les heures blanches j’avais surtout réalisé Le secret de Fatima qui avait été en compétition à Clermont-Ferrand. Racine(s) était un court qui faisait partie d’un long métrage fait de courts de 15 réalisateurs différents et produit par EKLA Production.
C’est ensuite que j’ai travaillé avec l’association Tribudom au sein de laquelle j’ai réalisé Le coeurs gros mais surtout Chantier(s). Le principe était de partir d’une écriture collective faite avec le groupe d’enfants ou d’adolescents avec lequel on travaillait et de les faire interpréter les personnages.
Les heures blanches est-il votre premier court métrage ‘en solo’ ?
Non et par contre c’est le premier film dont je n’ai pas moi-même écrit le scénario, qui est de Sébastien Baril, un auteur québécois.
Comment a été écrit le scénario ?
Sébastien Baril : Le scénario a été écrit dans le cadre du Marathon d’écriture du Festival des scénaristes de Bourges. Je suis parti de la vision d’une femme seule, démunie, au milieu d’un parking, tenant dans les mains l’affiche de son fils disparu. Plus j’avançais dans le scénario, plus je devenais convaincu que j’avais envie de raconter l’histoire en jouant sur le point de vue. De là est née la narration.
Dans Les heures blanches, vous questionnez de façon très intéressante la similarité du rapport maternel entre deux familles ennemies, à l’image d’un parallélisme à la Shakespeare. Que pensez-vous de la tendance à s’enfermer dans une vision à sens unique d’émotions que vivent pourtant d’autres, à côté ou en face de nous ?
Karim Bensalah : En fait, la douleur peut être soit moteur d’enfermement, soit moteur d’identification à l’autre. Cela dépend surtout de la relation de chacun à sa douleur. Mais deux personnes ennemies peuvent en effet s’identifier par une souffrance commune sans toutefois sympathiser.
Vous montrez dans Les heures blanches une situation de souffrance qui nourrit une envie de vengeance, de violence. Est-ce systématiquement lié ?
La souffrance n’est certainement pas forcément liée à la vengeance. Elle l’est peut-être dans le cas du personnage de Carole. Mais encore, s’agit-il véritablement d’une vengeance ? Le film nous pose justement cette question de comment percevoir l’acte de Carole. Vengeance ou pas ? Comment le définit-on ?
Les heures blanches est réalisé dans un cadre neigeux splendide. Où avez-vous tourné ? Pourquoi ce rapport à la neige ? Qu’est-ce que la blancheur de la neige évoque pour vous ?
Le tournage s’est fait dans les environs de Gatineau, au Québec. La neige est un élément essentiel du film, un personnage à part entière déjà présent au scénario. La neige c’est le blanc, le silence, le confinement, c’est ce qui cache la nature morte d’une robe splendide…
Pourquoi avoir choisi deux fois le couple mère-fils plutôt que d’avoir intégré un père ou une fille dans le quatuor ?
Il faut comparer des pommes avec des pommes ! Plus sérieusement, mettre un père aurait tout de suite mis le spectateur dans une position de comparer les réactions féminines et masculines. Or il s’agissait de traiter uniquement les rapports mères-fils. Le dénominateur devait être commun aux deux histoires.
Enfin, dans Les heures blanches, vous montrez aussi la compassion immédiate que provoque le témoignage des souffrances d’une mère. Cette compassion a-t-elle toujours raison ? Le chagrin de la mère peut-il être remis en question par l’attitude délinquante du fils ?
Là est le coeur du film : la question de la compassion par rapport à la mère d’un enfant délinquant. Le glissement du point de vue sur cette découverte pose justement la question. C’est une question morale qu’on pose et on laisse au spectateur le choix d’y répondre.
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Pour voir Les heures blanches, rendez-vous aux séances de la Compétition Nationale F1
Durant le festival, Karim Bensalah intervient dans deux classes et au sein de l’opération Talents en courts.
Vous pourrez aussi rencontrer Karim Bensalah aux Expressos (de 9h30 à 13h30 salle Gripel à la Maison de la Culture) jeudi 6 février.