Dîner avec L’espace commun
Entretien avec Raphaële Bezin, réalisatrice de L’espace commun
Combien de films avez-vous visionnés pour en extraire les séquences utilisées dans L’espace commun ?
J’ai dû en visionner 120 environ, mais je n’en ai utilisés que 28 au final.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le principe de la composition d’image ?
Je voulais d’abord que les différents points de vue portés sur Rome se confrontent. Chaque réalisateur propose sa version de la ville et les compositions que j’ai réalisées juxtaposent ces versions et permettent aux spectateurs de les comparer. Mais les films se sont avérés être aussi de véritables documents d’archives de la ville de Rome. Ils m’ont permis de me rendre compte de son évolution architecturale et urbanistique sur 60 années de cinéma. Ce qui m’intéressait, c’était de faire coexister différentes temporalités en un même lieu.
Comment avez-vous conçu le texte qui accompagne le film et pourquoi vouliez-vous qu’il s’affiche sur l’image plutôt que d’être dit par des acteurs ?
J’ai réalisé un ensemble d’interviews avec des Romains. Je leur ai demandé de me parler du rapport que leur ville entretient avec le cinéma. Et c’est à partir de ces conversations que j’ai réalisé la « voix off » de mon film. Je voulais dépersonnaliser ce discours. Qu’il ne soit celui ni d’un homme ni d’une femme, ni d’un italien ni d’un français. L’écrire était alors le meilleur moyen de laisser au spectateur le soin d’imaginer une voix à ce texte. Quant aux répliques de films intégrées aux images, je les ai laissées telles qu’elles m’apparaissaient en sous-titres dans les films que j’ai vus.
Vous parlez de composition à partir de « ruines », avez-vous sélectionné les extraits vidéo qui participent à la composition en fonction des séquences qui vous semblaient rester en mémoire, longtemps après avoir vu un film ?
Non, je n’ai pas sélectionné les extraits en fonction de ma mémoire personnelle mais en fonction de cette mémoire collective composée par l’ensemble des films tournés à Rome. Si un jour la ville venait à disparaître et qu’on tentait de la reconstruire depuis les films qui l’ont prise pour décor, à quoi ressemblerait-elle ? C’est ce travail de fouille et de reconstruction semblable à ceux des archéologues qui m’a amené à considérer ces éléments comme des « ruines ».
En dehors de l’animation et du texte à l’écran, y a-t-il d’autres ajouts ? Des séquences tournées par vos soins avec des équipes ?
Aucune image n’a été tournée pour ce film. Et tout le travail d’animation a été réalisé par mes soins. Le seul ajout est la bande-son. Si quelques éléments ont été enregistrés à Rome, l’essentiel a été réalisé en studio par Homéro Gonzalez et Andrés Padilla Domene.
Prévoyez-vous de faire d’autres films sur ce principe de composition, sur d’autres villes ?
Le principe de composition, de collage, est assez caractéristique de ma pratique artistique. Je ne pense pas m’en détacher bientôt. Mais plus qu’une ville en particulier, c’est la notion de territoire qui m’intéresse actuellement. Comment est-ce qu’un territoire est fictionnalisé ? Comment est-il représenté visuellement et dans quel but ?
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Les compositions que j’ai réalisées pour ce film concentrent beaucoup d’informations en chacune d’elles. L’attention visuelle du spectateur est énormément sollicitée. Je crois que cela aurait été impossible à tenir sur un long métrage.
Pour voir L’espace commun, rendez-vous aux séances de la compétition labo L1.