Goûter avec Liebe – Oder Erinnerung An Judith R. (Amour – À la mémoire de Judith R.)
Entretien avec Oliver Adam Kusio, réalisateur de Liebe – Oder Erinnerung An Judith R. (Amour – À la mémoire de Judith R.)
Pourquoi avoir situé l’action dans un cadre isolé ?
Il existe en allemand une très belle expression pour désigner les histoires qui se déroulent dans un espace confiné : « Kammerspiel », un film de chambre. Lorsque j’écrivais le scénario de Amour, j’ai tout naturellement puisé mon inspiration dans ce genre de films et de pièces de théâtre. Certains films de Ingmar Bergman par exemple, ou des pièces de Ibsen, que je trouve particulièrement fortes. Il y a quelque chose d’étrange à se retrouver dans un petit appartement avec des inconnus, surtout dans une famille à problèmes qui accumule les secrets et les silences. Cela crée une tension et une gêne que je trouve tout à fait fascinantes.
Comment avez-vous travaillé sur le rythme du film ?
J’affectionne tout particulièrement la narration elliptique. Pour moi, le cinéma offre la possibilité unique de changer le fil du temps : à l’écran, passé et présent ne font plus qu’un, ils peuvent se dérouler en même temps sous nos yeux. Par conséquent, les récits non chronologiques revêtent souvent un caractère perturbé et déstabilisant. Ils invitent le spectateur à se demander en permanence où et quand l’histoire se déroule. Et même si elle se déroule ou pas – car la limite entre réalité et imagination est aussi incertaine, exactement comme dans un rêve. Au montage, avec Michał Kuleba, nous échangions souvent sur notre volonté d’aborder les choses de façon intuitive, comme si l’on écrivait de la poésie, en reléguant l’intrigue au second plan. Pour cette raison, nous avons commencé à travailler sur le rythme des scènes dès le départ, avant même de décider de la chronologie d’ensemble ou d’une structure dramatique. Nous nous y prenions à l’envers, en l’occurrence. Et pour tout vous dire, ce n’est qu’à la fin que nous avons trouvé le bon équilibre entre l’émotion et le rythme du récit.
Comment avez-vous intégré la musique à la guitare ?
Notre compositeur, Marcus Sander, nous a rejoints assez tard dans la réalisation du film. Le montage était déjà presque terminé, je crois. Jusque-là, Michał et moi avions travaillé avec des musiques temporaires, et nous nous étions habitués à la musique, ce qui arrive couramment. Je ne me souviens plus de ce qu’on avait choisi, mais c’était de la guitare. Quand Marcus est arrivé, nous avons discuté de plusieurs arrangements possibles qui fonctionneraient bien pour la bande-son, mais très vite, nous avons opté pour des instruments acoustiques et de la guitare – qui apporte à chaque scène une sorte de mélancolie, comme si elle était accompagnée par un chanteur. En outre, Marcus est un excellent guitariste. Il a improvisé sur plusieurs passages du film, en basant ses mélodies sur son ressenti immédiat à la scène. Dès que nous avons obtenu une base, nous avons commencé à ajouter des arrangements sur les parties de guitare. Chose remarquable, Marcus a tenu à jouer et à enregistrer tous les instruments lui-même, ce qui n’était pas une mince affaire étant donné les contraintes temporelles qui lui étaient imposées.
Vous intéressez-vous particulièrement aux thèmes de l’amour, de la vulnérabilité, de la peur ? Pensez-vous approfondir ces thèmes à l’avenir ?
La plupart des films abordent ces thèmes d’une façon ou d’une autre – le besoin d’être aimé fait tout simplement partie de la condition humaine. Et d’ailleurs, ces questions sont au centre de presque tout type de conflit. Personnellement, ce qui m’intéresse, ce sont les relations et les responsabilités au sein du noyau familial, surtout lorsque des réalités sociétales entrent en jeu. C’est mon sujet de prédilection, en quelque sorte. Mon dernier film, Ela – Sketches on a Departure, évoquait ces questions, et le prochain, Pax Europa, en parlera aussi je pense.
Diriez-vous que le format court vous a donné une certaine liberté ?
Je ne dirais pas que le court métrage donne en soi plus de liberté. Je ne pense pas non plus qu’il soit juste un tremplin pour permettre à de jeunes scénaristes ou de jeunes réalisateurs de réaliser leur premier long métrage. Pour moi, il s’agit du même support, proposant les mêmes possibilités artistiques – ce qui est différent, c’est le temps et la passion que l’on souhaite investir pour que cela fonctionne pour une cause précise. En revanche, il est sans doute vrai que les courts métrages peuvent être plus expérimentaux et plus audacieux, car les cinéastes sont moins sous la pression de répondre à des attentes. Bien souvent, ils ont aussi un côté poétique et musical, à bien y regarder. C’est sans doute pour cela que je m’inspire souvent de courts métrages.
Liebe – Oder Erinnerung An Judith R. (Amour – À la mémoire de Judith R.) a été projeté en compétition internationale.