Dernier verre avec Malanka
Entretien avec Paul-Louis Léger et Pascal Messaoudi, coréalisateurs de Malanka
Comment avez-vous connu la fête de Malanka ?
Ce sont les photographies du missionnaire allemand Gusinde, sur les tribus de la Terre de Feu dans les années 20, qui ont éveillé en nous la première idée : comment l’homme, quand il s’adonne aux rituels, devient le plus étrange des extra-terrestres. Dans une recherche large sur les rituels païens toujours vivants en Europe, le livre de Charles Fréger, Wilder Mann, nous a bien aidés !
Étiez-vous particulièrement intéressés par la situation de cette communauté, dans un contexte non défini par un territoire géographique ou des origines ethniques, ou êtes-vous intéressés par la possibilité de filmer ce type de rites dans d’autres communautés ?
Le mic-mac géographique de ce bout d’Ukraine aux frontières de la Roumanie et les conditions historiques et politiques qui en découlent ne nous sont apparus que pendant le tournage. Les Ukrainiens de Kiev qui nous accompagnaient la découvraient avec nous ! Ce court métrage est né comme le premier épisode d’une série de six, sur les rituels européens : Cascamorras en Espagne, Ottana en Italie, Vevcani en Macédoine, Lazarim au Portugal… Mais nous sommes toujours à la recherche de financements !
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le fait de décrire ce rite ? Avez-vous fait des recherches sur les autres cérémonies de l’ours (Sioux, Ainus, Saamis, etc.) ?
Au départ, ce qui nous intéressait, c’est la relation que peuvent encore entretenir les hommes avec le sacré, l’imaginaire. Qu’est-ce que cette uniformisation ressentie ou réelle des différents pays de l’Europe peut encore laisser comme échappatoire de croyance immatérielle ? Ensuite, nous nous sommes surtout concentrés sur les rituels européens. Mais même ici, l’Ours revient souvent : en Roumanie, juste de l’autre côté de la frontière, également dans les Pyrénées avec la Cacera de l’Ós…
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le fait de travailler sur des images surréalistes, ralenties à l’extrême et déformées ?
Au tournage, nous avons mis en place un système qui nous permet cette direction : Pascal s’occupe du son, comme un réalisateur de radio, pendant que Paul-Louis s’occupe des images, comme un photographe. Nous nous retrouvons en post-production. Le fait que la narration soit réellement guidée par le son permet plus de liberté aux images.
Pourquoi vouliez-vous utiliser le noir et blanc ?
Nous avons choisi le noir & blanc pour deux raisons : d’abord dans l’optique de la série, pour donner une cohérence visuelle à l’ensemble. Ensuite pour jouer avec l’idée de “photographie filmée“ que nous amenons avec l’extrême ralenti. Cette technique, entre la photographie (le moment figé) et le cinéma (le moment en mouvement) emmène le spectateur dans une nouvelle dimension documentaire. Il y a également l’intemporalité de l’histoire que nous racontons… Peut-être que le noir et blanc nous rappelle que rien n’est vraiment réel.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Nous avions au départ un cadre narratif et artistique dans lequel nous glisser et nous avons pu nous laisser guider par les divers intervenants pour déterminer la narration. D’autre part, même si nous avions pu tester notre système son & image sur des formats très courts, nous l’avons passé à l’épreuve du réel sur un format plus long. Cela nous a assuré que… on veut en faire d’autres !
Pour voir Malanka, rendez-vous aux séances de la compétition labo L3.