Dernier verre avec Marlon
Interview de Jessica Palud, réalisatrice de Marlon
Comment vous est venue l’inspiration pour Marlon ?
J’avais envie de parler du milieu carcéral mais pas forcément de l’intérieur. J’ai vu comment l’incarcération de mon grand-père a affecté ma famille, et c’est ce point de vue que j’ai voulu adopter. Marlon est avant tout un portrait de famille.
Pourquoi vouliez-vous parler d’un rapport mère-fille ?
Ça m’a paru une évidence. Peu de relations humaines égalent en intensité, le rapport entre une mère et sa fille adolescente, que ce soit négative ou positive. C’est le creuset de mon identité de femme.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans une relation limitée par l’incarcération de la mère ?
Quand on met une relation filiale à l’épreuve de la prison, on prend un risque humain, ça signifie ne pas tricher.
Il faut affronter toutes les questions de manière frontale. Comment se construire sans modèle ? Comment gérer le manque ? Marlon peut-elle faire mieux que sa mère ? Peut-elle faire autrement ? Dans quel sens l’incarcération va-t-elle tordre leur relation ?
Comment avez-vous travaillé le son et comment avez-vous travaillé l’aspect chuchotement d’une grande partie des dialogues ?
Le son, c’était un vrai challenge. Nous avons reconstitué l’ambiance d’une prison pour femmes au montage son, alors que le film était tourné exclusivement dans une prison pour hommes. Quant aux chuchotements, ils traduisent mon envie de saisir au plus près l’émotion des personnages. Dès l’écriture, et jusqu’à la direction d’acteurs (je pense notamment à Flavie qui joue Marlon), j’ai voulu entendre ces mots qui se murmurent, ceux qui restent coincés dans la gorge, ceux que la pudeur retient. Je voulais entendre la justesse de ce qu’on a du mal à dire dans la vie. Ce n’était pas toujours facile pour l’ingénieur du son…
Pourquoi avez-vous choisi de ne pas expliquer les raisons de l’incarcération de la mère de Marlon ? Qu’est-ce que cela aurait changé ?
Ça a été une hésitation jusqu’au bout. Mais finalement, je me suis dit que ce n’était pas le sujet. C’est peut-être celui de certains spectateurs, mais moi je voulais être avec Marlon de bout en bout. Une fille ne voit pas sa mère coupable. Ce qu’elle va lui reprocher, à la rigueur, c’est ce qui l’affecte elle directement, la privation, la séparation.
Comment avez-vous travaillé les plans, leurs durées et le rythme de l’ensemble ?
Je me suis concentrée sur la justesse de l’histoire, être toujours au plus près de ce que la scène raconte, essayer de trouver où mettre la caméra sans qu’elle se voit. Pour la durée, je laisse toujours un peu traîner, j’aime les silences, les accidents. Le rythme c’est une musique, chacun la sienne.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Un film est nécessaire ou ne l’est pas, et c’est à chacun de préserver sa liberté créative. Après, il y a forcément une marge de manœuvre plus grande au niveau du casting par exemple…
Si vous êtes déjà venue, racontez-nous une anecdote vécue au Festival de Clermont-Ferrand ? Sinon, qu’en attendez-vous ?
C’est ma première fois ! J’attends… de vivre un bon moment avant tout, de faire des rencontres, de rire, de voir de bons films. Il y a toujours une émotion particulière quand on partage son film dans le cadre d’un festival. Et à Clermont-Ferrand, ce sera sans doute très impressionnant.
Pour voir Marlon, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F4 et aux séances scolaires.