Dernier verre avec Moutons, loup et tasse de thé
Entretien avec Marion Lacourt, réalisatrice de Moutons, loup et tasse de thé
Le film est dédié à votre grand-mère. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce lien ?
L’image de ma grand-mère avec ses sachets de camomille sur les yeux est à l’origine de ce projet. C’est un des premiers rituels pré-sommeil que j’ai observé petite quand je dormais chez elle. Elle brillait dans la nuit, voilà comment je m’en rappelle. Ces précieux moments ont particulièrement permis à mon imaginaire de se développer et de s’épanouir à cette époque de ma vie. Alors oui, merci mémé.
Quelles sont les origines de cette transformation en loup ?
La figure du loup m’a toujours intriguée. C’est un animal à contre-courant. Réveiller le loup en soi c’est écouter ses véritables besoins et trouver sa propre voix au milieu d’un carcan d’habitudes structurantes mais dont il peut être compliqué de s’extraire quand elles ne nous correspondent pas.
Quelle est la signification de tous les yeux ?
L’éveil. À différents niveaux. Voir derrière une surface. Choisir de les ouvrir ou au contraire de les maintenir fermer ou de les cacher. C’est toute une symbolique évolutive qui s’articule autour de cette forme des yeux. Tout le monde en est doté mais n’en a pas le même usage. Parfois on voit mieux en regardant à l’intérieur de soi que vers le monde.
Parlez-nous un peu de votre style d’animation ?
Je travaille en animation directe sous caméra, avec une ligne noire et des encres de gravure colorées sur des plaques de verre rétro-éclairées. Ça marche un peu comme un vitrail en somme. Au-delà des parcours que ça vient tracer dans la matière de mes décors et qui enrichissent la présence de mes personnages, ça me permet d’utiliser la lumière comme un véritable outil dramaturgique au même titre que ma ligne, mes couleurs, mon cadrage etc… Cette brillance surnaturelle traverse l’ensemble du film et participe à l’effet immersif escompté.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apporté en particulier ?
Le court métrage est une forme qui me tient particulièrement à cœur. J’aime beaucoup l’idée qu’on puisse être emmener totalement ailleurs en 1 à 20 mn. C’est le pouvoir de ce format. On entre ou on n’entre pas. C’est un rapport peut-être plus organique au film pour moi dans la manière dont on le consomme. Aussi, c’est comme ça que je l’ai considéré dans le cadre de ce projet, comme une forme vivante dont il fallait que je reste à l’écoute. C’est pourquoi je me suis permis de réintervenir sur l’écriture au fil de la fabrication. Cet aller-retour constant entre le banc-titre multiplans et l’écriture est devenu un process assumé sans lequel je pense que je serai passée à côté de l’essence du film en regard de mon intention de départ.
Pour voir Moutons, loup et tasse de thé, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F7.