Dîner avec Ned & Me (Ned et moi)
Entretien avec Lorna Nickson Brown, réalisatrice de Ned & Me (Ned et moi)
Question évidente. Pourquoi avez-vous choisi d’explorer ce sujet ? Avez-vous eu une expérience personnelle en lien avec la question de l’euthanasie ?
J’ai été attirée par ce sujet parce que je pense que c’est l’une des plus grandes questions de notre époque, ou même de toutes les époques, et parce que je n’ai pas de réponse à cette question. Je voulais faire un film qui explore mes doutes autour de l’euthanasie et son lien avec d’autres transactions humaines. La question de savoir comment et quand nous mourons est souvent un sujet tabou et, ces dernières années, en raison de défis auxquels j’ai dû faire face avec ma propre santé, je me suis beaucoup demandé s’il était seulement possible d’avoir un contrôle complet sur notre corps. Pour Ned, mourir avant que la maladie débilitante ne le tue est un acte d’émancipation. Il prend possession de son corps. Je voulais montrer la proximité de la mort à l’écran, et l’entourer d’un sentiment de joie et d’absence de peur. Notre chanson, « Las Manos de la Libertad », qui signifie « Les mains de la liberté », est interprétée dans le style Buena Vista et a vraiment une exubérance et une sensualité qui vous donnent tout simplement envie de danser. J’aime penser à Ned jouant des percussions sur cette chanson ! Quand Mia et Ned dansent ensemble, leur connexion symbolise le courage et l’acceptation de la mort. À ce moment, je voulais que la libération de Ned soit si complète qu’elle pourrait aussi offrir une liberté momentanée à Mia. Je voulais faire un film dont émane un sentiment de liberté face à la peur. Comme Ned, je ne veux pas avoir peur de la mort. Je pense à la mort comme à une étape ; une extension de la vie aussi naturelle que la naissance. Les questions sont : quand devrions-nous intervenir sur cette étape ? Et à qui pouvons-nous faire confiance pour nous aider ?
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le casting ? Qu’est-ce qui a amené (l’artiste et graveur) Graham Short à s’impliquer dans le projet ?
Graham a auditionné après avoir entendu une interview que j’avais donnée sur BBC West Midlands au sujet d’un casting organisé à Birmingham. Apparemment, il n’a entendu que la moitié de l’interview dans sa voiture et est rentré à la maison pour la réécouter et obtenir tous les détails ! Il est venu me rencontrer, ainsi que le producteur, Dom Riley, et il nous a époustouflé. Il n’avait jamais joué auparavant mais sa lecture était fantastique et j’ai adoré la sensibilité de Brummie (N.d.t : habitant de Birmingham) qu’il a apportée à l’humour du script. Graham est un homme intrépide et curieux qui aime se lancer des défis. Ce sont toutes les qualités que j’imaginais pour Ned et je pouvais voir que Graham les avait, naturellement, en abondance. Il m’a parlé de ses championnats de natation et de l’entraînement rigoureux requis pour y participer ; de son travail incroyable en tant que l’un des maîtres, tous pays confondus, de l’art de la gravure miniature et de la maîtrise de soi nécessaire pour faire un travail aussi complexe ; et de sa vie et de son enfance à Birmingham, ma ville natale. Il m’a dit qu’il n’avait pas peur de grand-chose mais que cette nouvelle discipline, jouer la comédie, l’effrayait et que c’était la raison pour laquelle il voulait le faire. Il a en quelque sorte sauté dans le vide et je lui suis reconnaissante de sa confiance – tout est là, à l’écran. Sa performance est magnifique.
En tant que cinéaste, quels sont les genres et sujets que vous aimez explorer ?
Je m’intéresse à tout ce qui est sous la surface des choses. Histoires intimes ; personnages aux mondes intérieurs riches souvent en conflit avec leurs mondes extérieurs. Bien que mes histoires évoluent entre les genres et les médias, et que je me meuve moi-même à travers les disciplines en les racontant, elles ont en commun un désir d’explorer la complexité des émotions et des comportements humains. La capacité des gens à dénoncer l’injustice et à remodeler leur vie en particulier et le monde en général me passionne vraiment. Je veux raconter des histoires de liberté et d’égalité.
Dans le secteur des festivals, le nombre de courts métrages venus du Royaume-Uni semble diminuer. Quelle a été votre expérience en tant que réalisatrice de court ? Pensez-vous qu’il y a eu un changement concernant le niveau de soutien ou de reconnaissance rencontrés par le format court dans le pays ?
C’est la première fois que je réalise, je suis donc relativement nouvelle dans le circuit des festivals. Je ne peux que parler de ma propre expérience et j’ai l’impression que notre film a une position délicate car son sujet est très sensible, en particulier en ce moment avec la pandémie qui touche principalement les personnes âgées. Je me suis longuement posé la question de savoir si ce n’était pas trop demander à un public en ce moment et j’ai même envisagé de ne pas sortir le film du tout. Finalement, je suis heureuse que nous l’ayons fait. Je pense que le film offre une approche apaisée de la mort et, malgré son sujet difficile, une spiritualité que certains spectateurs trouveront, je l’espère, réconfortante. En ce qui concerne les courts métrages britanniques en général, je pense qu’il est difficile de juger en ce moment avec l’ensemble du circuit des festivals entièrement chamboulé en raison de la Covid-19. J’ai beaucoup d’admiration pour tous les ajustements et toute la planification effectués par les festivals du monde entier pour maintenir ces événements importants à flot.
Quel est l’avenir du format court métrage d’après vous ?
Je pense qu’il est vraiment prometteur ! Pour moi, l’avenir semble très fluide et versatile ce qui est, je crois, très positif. C’est génial de voir des cinéastes comme Almodóvar, Yorgos Lanthimos et Jonathan Glazer refaire des courts métrages. On a l’impression que les barrières tombent et que les films peuvent désormais avoir la longueur dont ils ont besoin pour servir l’histoire qu’ils racontent. Certains de mes films préférés sont des courts métrages et ils exploitent véritablement le format. Certaines histoires sont davantage mises en valeur en tant que courts métrages, et je pense que c’est le cas de Ned & Me.
Demain on reconfine, quels plaisirs culturels conseillez-vous pour échapper à l’ennui ?
Juste avant que la Covid-19 arrive au Royaume-Uni, je suis allée dans une boutique de musique à Birmingham et je me suis acheté une guitare espagnole. Et depuis c’est le grand amour ! Je n’avais jamais joué de guitare auparavant (et je suis encore loin d’être Carlos Santana !) mais j’ai trouvé une nouvelle forme d’expression par la musique. C’est un nouveau défi que je trouve incroyablement méditatif. Je vous recommande vraiment d’apprendre à jouer d’un nouvel instrument – la concentration que ça demande permet vraiment de calmer l’esprit en cette période anxiogène et c’est génial de voir comme on progresse. Même les tout petits pas en avant font une différence. Et puis, quel plaisir de me plonger dans des enregistrements de guitare espagnole et d’apprendre la version de Caetano Veloso de « Cucurrucucú Paloma » – je peux presque m’imaginer en Espagne, dans un film d’Almodóvar, plutôt que confinée sous la pluie de Birmingham !
Pour voir Ned & Me (Ned et moi), rendez-vous aux séances I9 de la compétition internationale.