Goûter avec Nus dans les rues la nuit
Interview de Benoît Rambourg, réalisateur de Nus dans les rues la nuit
Pourquoi avez-vous opté pour le noir et blanc ?
C’est instinctif. J’ai toujours vu le film comme ça. Depuis le début. C’est un choix sur lequel on est obligé de mettre des mots pour jouer le jeu des commissions de financement – voici ceux que j’avais trouvés : « Je veux que le film ait une dimension nostalgique – ou plutôt poétique – car j’aspire à ce qu’il évoque à chacun une part de sa propre enfance. L’image en noir et blanc contribuera à apporter cette dimension. Non que le noir et blanc annonce nécessairement le passé, mais il permet à mon sens de se détacher d’un réalisme, d’une contemporanéité. D’aucuns diront d’une certaine trivialité. Et en obligeant le spectateur à combler les trous de la couleur, on l’incite à faire le premier pas vers l’imaginaire, ou ici vers le souvenir puisqu’on lui donne à voir des instants de l’enfance que tout le monde connaît, homme ou femme, pour en avoir vécus de plus ou moins semblables. » Après, en tant que réalisateur-chef opérateur sans équipe déco, sans équipe costume, avec seulement deux assistants image, il s’est avéré que je contrôlais mieux la photographie en la pensant en terme de densité/luminosité. Et j’ai adoré ça.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans le choix de l’âge des personnages ?
L’âge, juste pour cette histoire, c’était le plus tard possible avant la puberté, à ce point de bascule entre enfance et adolescence où il peut y avoir une indétermination, une immaturité sexuelle, mais où la question du désir se pose toujours, même de façon trouble. Vu ce que Cédric et Sofiane font, ils ne peuvent pas encore être des adolescents, et vu ce qu’ils ont en tête, ils ne peuvent plus être tout à fait des enfants. C’est le genre de questions sur lesquelles tout le monde a son idée. À l’oral d’une commission (qui a refusé le projet), un réalisateur dont les films font des millions d’entrées m’a certifié que ça ne marcherait pas avec des enfants de moins de quatorze quinze ans. J’avais écrit onze douze dans le scénario. Au final, mes acteurs avaient dix et onze ans.
Comment avez-vous choisi et dirigé les jeunes comédiens ?
Comme nous allions beaucoup travailler en amont, puis tourner la nuit, et les filmer à moitié nus, il fallait de jeunes acteurs très motivés et dont les parents seraient vraiment derrière le projet. Je n’excluais pas de faire du casting sauvage si ça ne marchait pas mais j’ai choisi de commencer par chercher des enfants qui avaient déjà montré leur intérêt pour le jeu. J’ai vu des centaines de photos d’enfants qui avaient postulé. Marine Albert (directrice de casting) m’a montré beaucoup de vidéos d’enfants qu’elle avait vus lors de castings précédents. Nous en avons rencontrés une vingtaine parmi lesquels Emrys et Hugo qui dégageaient ce qu’il fallait. Leur « couple » me semblait très bien fonctionner. Après un deuxième essai filmé, nous étions sûrs. Ils avaient passé chacun un seul casting avant le nôtre et n’avaient pas été pris. J’ai passé beaucoup de temps avec eux, notamment à les filmer dans des improvisations, des exercices de jeu, en essayant de rendre tout ça le plus ludique possible. L’objectif était qu’ensuite, sur le plateau, je puisse les diriger comme n’importe quel acteur dont on connait les forces et les faiblesses, et qui est habitué à ma présence et à la caméra.
Pourquoi ne vouliez-vous pas de présence féminine et/ou maternelle chez Sofiane et son père ?
L’histoire est inspirée de choses que j’ai vécues. J’ai voulu rester fidèle à cet élément-là. Et rien dans l’écriture n’a justifié de créer un personnage de mère, ni de faire un sort à son absence.
À quel point êtes-vous intéressé par la confrontation au sentiment d’impuissance face à la maladie et envisagez-vous de réaliser d’autres films sur cette thématique ?
Il n’y a pas de maladie comme celle-là dans ce que j’écris actuellement.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apporté en particulier ?
N’ayant pas encore réalisé de long, je ne peux pas comparer. On a tourné ce film en très petite équipe. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas tourner un long métrage comme ça. Si ce n’est que sur un tournage plus long, je ne pourrais certainement pas épuiser l’équipe comme je l’ai fait – équipe magnifique, de jeunes gens qui font leurs armes (comme moi).
Pour voir Nus dans les rues la nuit, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F6.