Breakfast avec Olla
Interview de Ariane Labed, réalisatrice de Olla
Le personnage d’Olla est particulièrement intéressant. Loin d’être une victime, elle se réinvente, surprend sans cesse le spectateur. Comment avez-vous construit son personnage ?
Je voulais faire un film de personnage. Tenter de créer un portrait singulier de femme, qui se joue des clichés, qui agit pour sa survie, elle fait ce que nous ne ferions pas, c’est une héroïne. Olla construit le fil de la narration, elle ne laisse pas son environnement la transformer mais elle fabrique un quotidien qui est le sien, elle change les règles du jeu. Je ne connaissais pas encore son nom mais je savais qu’il serait le titre du film. Ce personnage s’est construit à partir d’un fantasme, celui d’une femme pour une héroïne; c’est peut-être ça qui est encore un peu singulier dans le cinéma.
Votre expérience dans le théâtre explique-t-elle la place prépondérante du corps au sein du film ?
Oui, le théâtre et la danse. Mais aussi mon rapport au jeu d’acteur au cinéma. Mon point de départ est toujours le corps. J’ai pensé, dès l’écriture, à Olla comme un corps plein et entier qui tente de rester puissant face aux obstacles. Mon film a peu de dialogues et j’espère avoir fait passer les tensions et l’humour par la physicalité des personnages. La scène de danse dans Olla devrait nous dire plus sur son rapport au monde que n’importe quel monologue (je l’espère). Ce qui m’intéresse est l’interaction des corps. Des corps entre eux, la communication ou l’incommunicabilité, l’interaction entre les corps et l’espace, l’harmonie ou le conflit.
De nombreux plans semblent pensés pour susciter le malaise. C’était votre intention ?
Les plans sont pensés pour créer cette tension dont je parle entre les corps entre eux et entre eux et l’espace. Il y a donc un effet de claustrophobie mais dans lequel on peut voir des corps se soumettre ou s’épanouir. Je tenais aussi à mettre les spectateurs dans des situations ambiguës. J’espère que dans une même scène on est tenté de rire et pleurer. C’est peut-être ce malaise dont vous parlez.
Quelles sont vos œuvres de référence ?
Pour Olla, Wanda de Barbara Loden, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman, Import Export de Ulrich Seidl, et de façon moins évidente les films de Bresson. Il y a eu aussi Amours risibles de Kundera et Le noir est une couleur de Grisélidis Réal.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées ?
Le format court, puisqu’il est hors des circuits de l’industrie du cinéma, est de fait absolument libre. Il n’y a aucune pression quant à la « rentabilité » du film. Je me suis donc sentie absolument libre de faire et d’expérimenter tout ce que je voulais. Ma plus grande difficulté a été de réussir à développer un personnage dans ce temps limité, mais je pense avoir appris beaucoup par cette contrainte. Je dois avouer cependant que travailler si longtemps et n’avoir que 5 jours de tournage est assez frustrant. Je suis infiniment reconnaissante envers les personnes qui se sont lancées dans l’aventure avec moi malgré les conditions de production, la beauté du court métrage est aussi que l’on y rencontre des artistes et techniciens passionnés.
Pour voir Olla, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F4.