Dîner avec Panique au Sénat
Interview de Antonin Peretjatko, réalisateur de Panique au Sénat
Pourquoi faut-il voir Panique au Sénat avec des yeux d’adulte, comme cela est précisé au début du film ?
C’est en réponse à l’expression qui dit qu’il faut savoir rester un enfant. Or, rien n’est plus injuste qu’une cour de récréation, où il y règne la loi du plus fort, l’injustice, l’arbitraire et l’absence totale d’autodérision. Le film parle du pouvoir. Je pars du principe que les gens de pouvoir sont des enfants, avec leur méchanceté, l’ivresse à vouloir tout le temps être le chef, et j’en passe. D’ailleurs, une des expressions favorites des politiciens est : « il faut siffler la fin de la récréation », preuve qu’ils se croient encore à l’école. Regardons autour de nous : qui peut penser une seule seconde que Trump n’est pas un enfant ? Je pense que les dictateurs sont des enfants capricieux à qui on a donné le pouvoir. J’invite le spectateur à voir le film avec des yeux d’adulte pour voir à quel point les gens qui nous gouvernent sont de dangereux enfants.
Qu’est-ce qui vous intéressait dans l’idée d’un Président écologique ? Et dans les débats autour du jardin à la Française, patrimoine immatériel national ?
Le jardin à la Française est une vitrine du pouvoir. Si le pouvoir change, alors pourquoi ne pas commencer par le jardin. Un écologiste Président du Sénat (chose impossible) pose un postulat comique qui permet ensuite d’accepter tout ce qui va se passer dans le jardin.
Comment avez-vous écrit vos Sénateurs ?
Je me suis inspiré de l’idée poussiéreuse que l’on a du Sénat. L’écrasante majorité masculine des élus est parfaitement burlesque. Les sénateurs portent en eux un grand potentiel comique, par leurs caprices enfantins à vouloir commander. C’est pourquoi je les mets face à des maquettes : cela permet de les faire jouer comme des enfants qui jouent aux petites voitures. D’ailleurs, le jardin du Luxembourg dont le Sénat a la charge est rempli de jeux pour enfants. Ces jeux étant payants, les enfants ne peuvent pas se les payer : preuve que les sénateurs veulent se les garder pour eux.
Vous avez conçu Panique au Sénat plutôt comme un film comique pour parler de politique ou comme une satire mettant en cause l’égo des politiciens ?
Le film parle avant tout de la représentation du pouvoir dans les jardins. On pourrait en faire un film très sérieux. Le sujet est sérieux, c’est la manière dont je le traite qui ne l’est pas. J’avais envie que le jardin devienne subitement la chose la plus importante pour les Sénateurs, on ne parle plus de loi ou des comptes publics, le jardin est soudainement au-dessus de tout. On en revient à la raison de l’existence du jardin. C’était une manière de parler d’organisation politique de la société. À travers son ressort comique, Panique au Sénat s’interroge néanmoins sur le rôle des Institutions et leur fonctionnement. Dans quelles circonstances avez-vous vécu ce questionnement personnellement ?
Selon vous, la communauté française s’interroge-t-elle suffisamment sur ces questions ou faudrait-il davantage qu’elle se les pose ?
Je pense que les élus de la République ont dû nécessairement se poser la question du fonctionnement de la République, du bien commun, du symbole. Pour autant, la privatisation de la société aboutit à une absence de ce questionnement. L’Etat, c’est le bien commun. Le privé, c’est le bien particulier : on l’a vu récemment avec Lactalis, où un chef d’entreprise qui a du pouvoir a refusé de retirer le lait suspecté d’avoir de la salmonelle. Pour du profit, on prend la décision d’empoisonner des nouveau-nés. On atteint le niveau zéro du bien commun. De toute évidence, la statue aux seins nus – symbole de la République – censée nourrir les siens ne lui est pas familière. D’ailleurs, avez-vous vu les jardins des usines Lactalis ? Des petits carrés d’herbe entre les voitures. C’est le reflet d’un pouvoir sans splendeur.
Y a-t-il des libertés que le format court métrage vous a apportées en particulier ?
Le court permet d’aborder des sujets qui ne méritent peut-être pas un traitement de plus de 60 minutes. Il permet de tester des choses, des idées, des techniques : ici la 3D.
Pour voir Panique au Sénat, rendez-vous aux séances de la compétition nationale F8 et aux séances 3D.